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DE SAINT-LOUIS DE CARTHAGE 397 sans le savoir. Laissons donc de côté cette question d'es- thétique transcendante, et voyons seulement ce qui est sous nos yeux. La création est ici à la fois dans l'idée, et dans sa réali- sation plastique. L'idée d'abord. Quelle heureuse pensée d'avoir vêtu ces deux anges de la tunique, de la cotte de mailles et du ceinturon des chevaliers. Il me semble pour- tant les reconnaître, les avoir vus quelque part. Oui, ce sont bien ceux dont parlent les vieux chroniqueurs naïfs, quand les envoyés du ciel, descendant dans les rangs des Croisés, le jour de la bataille, prennent part à la mêlée sanglante pour la cause du Christ. S'appellent-ils Godefroy ou saint Michel? Sont-ils anges ou hommes? A la fois l'un et l'autre ; fiers comme des chevaliers, doux et beaux comme des anges. Tout le monde a cependant remarqué que l'un était « plus ange »; d'une main, avec un profond respect, il porte la couronne d'épines, tandis que de l'autre il soutient la châsse du saint roi. Son frère est « plus che- valier »; on le reconnaît à son air plus décidé; il porte d'ailleurs le sceptre de Louis IX. Le sceptre et la couronne d'épines, la patrie et la foi, la France monarchique et la France chrétienne ! N'insistons pas sur cette antithèse féconde. Mais la mise en œuvre de cette idée originale n'est pas moins digne d'éloges. A demi agenouillés sur l'écu de France et l'écu de Jérusalem, les deux anges-chevaliers soutiennent à bout de bras la Sainte-Chapelle avec une. fermeté d'allure, une aisance et une franchise de mouve- ment, une beauté plastique d'attitude dont notre chétive description ne peut donner aucune idée. Tendus par l'effort, les muscles s'accusent sous la cotte de mailles, et on sent que le coeur bat dans ces poitrines vivantes. C'est