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3 50        LA. PESTE A SAINT-GENEST-MALIFAUX

si ce n'est qu'elle n'avoit pas permis de jouir d'elle, à ce
qu'on dit; et néanmoins pendant ce temps-là il la courtisa
avec tant de soins que presque tous les jours quelque temps
qu'il fit, il la venoit voir, éloigné qu'il etoit de plus de
demilieue et lui protestoit toujours qu'il la vouloit pour
sa femme. Mais enfin elle se maria à un de sa qualité
s'étant apperçu qu'il en courtisoit d'autres avec plus de
primauté, et lui pour empêcher qu'elle ne se mariât à un
autre se porta à dire impertinences puériles que je ne veux
écrire, tant ce pauvre homme-là étoit abusé.
   Une certaine malavisée qui avoit quitté ce lieu à cause
de la peste ayant appris que son paillard étoit venu de la
guerre et qu'il ne la venoit point voir se délibéra de faire
faire sa loge sur le chemin où passoit sondit paillard, quand
il venoit quelquefois à Saint-Genest voir ses parents, mais
elle n'y demeura en vie que deux fois vingt-quatre heures
et y est enterrée.
   Une veuve qui par la grâce de Dieu avoit échapé la mort
en une grande maladie de la peste en temps de neiges et
préservée miraculeusement du froid, qui etoit violent et sa
loge mal faite, néanmoins quelque temps après, au lieu
d'avoir remercié Dieu, elle se vit enceinte, et parce qu'elle
se mit à servir un pestiféré, elle qui avoit été parfumée, il
y avoit plus de huit mois, elle fit croire à plusieurs que
pour cacher son fait elle vouloit perdre son fruit (ce que je
ne crois pas), mais Dieu le préserva, car il naquit en son
temps et est encore en vie.
   Une servante fut engrossée par le fils de son maître, et
ce tandis que la peste ravageoit leur maison et tua quasi
tous, excepté eux deux, tant le diable les avoit lié et néan-
moins l'infinie bonté les attend à pénitence.
  Une veuve qui avoit depuis quelque temps son père, sa