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              LA. PESTE A SAINT- GENEST-MALIFAUX                  349

qui méritoient des punitions plus grandes que nous n'avons
pas eu, la justice de Dieu ayant toujours été accompagnée
de sa miséricorde, laquelle nous avoit donné des avis sept
ou huit mois devant que de nous toucher, La misère en
laquelle la ville de Lyon s'estoit vue en etoit un, et celle de
la ville de Saint Chamont un autre. Je laisse à part tout
plain de signes naturels, comme des veaux qui naissoient
avec quatre grandes dents, comme à quatre ans, les cico-
gnes qui s'en retournoient au mois de décembre, le peu
ou point d'oiseaux qu'on vit en automne, et plusieurs
autres, sans que pour cela nous en fissions nostre profict,
et il semble que les courbeaux et les grailles (13) nous
reprochoient nostre témérité, tant ces oiseaux funestes
crouassoient après nous.
   Un peu devant la peste, l'on vit à Saint-Genest le jeu
de cartes en tel point qu'un valet perdit dix-huit livres dans
un cabaret et un jour Nostre-Dame (14), quatre jeunes
hommes toute une nuit à la lune jouèrent aux cartes;
en moins de six mois un prestre fut battu cinq fois.
   Tout plein d'autres excès avoit précédé la peste et le
bruit commun étoit que l'on fabriquoit la fausse monnoye
en cette montagne, et deux sergents de Saint Etienne en
surprirent un sur le fait, mais une somme d'argent les fit
taire.
   Un homme de qualité, riche et de lettres, avoit fait
l'amour, l'espace de dix ans, à une fille de ce lieu, pauvre
et de race de mauvaises gens et pourvue de peu de vertus,



   (13) Certains lexiques donnent la signification de corneilles; dans
le pays on applique le mot aux pies.
   (14) La fête de l'Assomption, le 15 août.