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310 LE COMPLOT D ' A L A G O N l'Espagnol et le Savoyard grondaient toujours. Le Savoyard, c'était Charles-Emmanuel, si ambitieux et si remuant; il avait remarqué que la Provence arrondirait bien son patrimoine, et, à plusieurs reprises, avait tenté de s'y établir. L'Espagnol, c'était maintenant Philippe III, le triste successeur de Philippe II, prince maladif et faible, remarquable par sa « lèvre d'embas comme de la maison d'Autriche. » (Chivemy.) Il s'était d'abord appelé Charles- Laurent, puis pour se donner plus de prestige, avait pris le nom de son père, en même temps que le titre de Roi (1598). Ces deux partis, Espagne et Savoie, avaient toujours des adhérents à Marseille. Le vieux ferment ligueur n'avait pas encore tout à fait disparu ; Philippe III le savait bien, quand il faisait croiser Doria devant Toulon, et conseillait à Fuentès, gouverneur de sa province du Milanais, de tenter un coup de main sur la ville et d'intriguer avec les mécontents. Mais ceux-ci que lui offraient-ils?... Quelles garanties?... Quelles ressources? Ils proposaient bien d'attirer dans un piège les troupes royales, d'en tuer six ou sept cents hommes, ou de les garder prisonniers, mais prendraient-ils le duc de Guise, répondaient-ils de la Pro- vence?... N o n ; et peut-être le caractère des conspirateurs rassurait-il insuffisamment le méfiant Philippe III. En effet, si l'un d'eux était Meyrargues, Philippe III ne savait-il pas qu'il avait déjà joué un rôle dans ce qu'on appelait les troubles de Marseille et qu'il avait escorté le duc de Savoie dans son entrée triomphale avec Créquy, d'Oise, d'Ampus et Fabrègues? Philippe III, ce roi si bien informé, ne con- naissait-il pas la légèreté de cette tête, l'indécision de ce caractère, et l'ambition inquiète et versatile de cet homme, qui faisait dire aux Provençaux, lorsque le temps n'était pas