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if6 LES ALIÉNÉS DEVANT L'OPINION La privation de liberté, inévitable dans les deux cas, est bien plus dure et bien plus intolérable quand elle se fait sentir dans le milieu où l'on a vécu avec la pleine jouis- sance de tous ses avantages. Mais au lieu de cette posses- sion d'eux-mêmes, ils ne trouvent plus qu'une sorte de servitude. Les mêmes sollicitations y assiègent le malheu- reux sans qu'il puisse les satisfaire et il s'y joint celles que lui suggère la maladie. Ses parents, ses amis, ses connais- sances, voire même les agents de l'autorité, empêchent ou répriment ses écarts, qui seraient une cause de désordre, entravent l'exécution de ses desseins, contrarient ses jouis- sances et jusqu'à ses habitudes; ils deviennent, dès lors, des persécuteurs acharnés. Dans l'asile, au contraire, les malades sont sous une direction dont le privilège est d'être impersonnelle ; de gouverner sans passion comme sans faiblesse, d'établir un genre de vie uniforme et calme, soustraite aux excitations sans nombre nées des incidents journaliers de la vie sociale. Les restrictions sont moins irritantes étant atténuées et dis- simulées par l'habitude qui, dès lors, exerce sur eux une influence souveraine en apaisant leur sensibilité et limitant leur désirs et leurs aspirations. Nous voilà bien loin de cette atteinte à la liberté, que l'on dit si peu respectée dans les asiles : on ne saurait, en effet, dépouiller quelqu'un d'un attribut qu'il ne possède déjà plus. J'ai dit que les aliénés sont des malades commes les autres : Cette exécution, quoique rigoureusement exacte, peut paraître extraordinaire et paradoxale, car ce n'est pas ainsi que l'on est habitué à considérer la folie. Pour beau- coup, ce n'est pas une maladie, mais un état de l'âme mal déterminé et qu'ils ne savent pas définir. Il leur semble