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ET DEVANT LÀ LOI 195 de celle qu'on imagine. Les fous sont des malades dont le propre est de ne plus posséder leur libre arbitre; déchus de cette prérogative essentielle ils se trouvent dépouillés de toutes les autres libertés qui ne peuvent s'exercer sans l'ap - pui de cette faculté fondamentale. Ils l'ont perdue puisque la maladie a détruit chez eux la pondération nécessaire à l'exercice normal de leurs facultés et qu'ils restent soumis à des influences morbides auxquelles ils ne peuvent se soustraire ni résister. Ils sont incapables de se déterminer librement, soit qu'ils n'aient plus la notion des réalités, soit qu'ils subissent des impressions irrésistibles dont ils se rendent compte parfois, sans jamais pouvoir les conjurer ni les combattre. Au point de vue des relations sociales, l'aliéné perd encore l'usage de sa liberté par le fait même de son exis- tence dans un milieu avec lequel il se trouve fatalement en désaccord. Quelle que soit la situation dans laquelle il est placé, il ne lui est plus permis de manifester librement ses conceptions et de mettre à exécution les actes de sa volonté. Maintenu dans une contrainte perpétuelle, ses désirs, ses déterminations se heurtent à des restrictions et à des obsta- cles infranchissables; sa volonté est forcée de plier devant les exigences d'autrui ; et s'il parvient à échapper à la sur- veillance dont il est l'objet, il s'expose à subir des outrages ou une répression provoqués par son attitude et ses agis- sements, et contre lesquels sa conscience se révolte. Telle est la condition de l'aliéné vivant au milieu de la société ; cette liberté qu'on revendique avec tant d'insistance pour lui, il lui est impossible d'en jouir; il en est fatalement dépourvu. Si l'on veut établir une comparaison entre l'exis- tence dans l'asile et celle de la vie commune, l'avantage est sans contredit acquis à la première.