page suivante »
ET LA POÉSIE PHILOSOPHIQUE 105 Après qu'il a de mille images Peuplé d'innombrables autels ; A d'éphémères immortels Rendu d'infructueux hommages, Après qu'il a tout adoré, Jusqu'à la brute sa servante, Sa solitude l'épouvante, Son Dieu lui demeure ignoré. Et sous l'infini qui l'accable Prosterné désespérément, Il songe au silence alarmant De l'Univers inexplicable; Le front lourd, le cœur dépouillé, Plus troublé d'un savoir plus ample, Dans la cendre du dernier temple, Il pleure encore agenouillé (10). C'est la vive expression des regrets d'un penseur trop noblement inspiré pour accepter les désolantes solutions du matérialisme, et trop pénétré du scepticisme de notre temps pour aboutir à un acte de foi. JJai vu un jour un exemplaire de Sully-Prudhomme sur lequel la main d'un poète novice avait inscrit ce quatrain : Œil d'aigle au regard attristé, Que l'infini sans cesse attire, Au ciel enfin puisses-tu lire Le nom du Dieu de vérité! Le souhait serait digne d'une forme meilleure; mais nul lecteur, après avoir médité tant soit peu les œuvres de notre poète, ne trouvera que l'éloge qu'il implique soit exagéré, (10) Majora canamus. Le Tourment divin.