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106 SULLY-PRUDHOMME ET LA POÉSIE PHILOSOPHIQUE et que « l'œil d'aigle », soit une simple figure de rhéto- rique un tant soit peu usée. Je citais tout à l'heure, en y mêlant plus d'une restriction, le sonnet adressé à Pascal. J'y reviens au nom de plus d'une frappante analogie, et ce n'est point un médiocre honneur que d'imposer ainsi cette comparaison avec un aussi grand homme. Comme l'écri- vain du xvn e siècle, Sully-Prudhomme éprouve le perpé- tuel souci des plus redoutables problèmes ; comme lui, bien que sous une forme différente, il unit la rigueur de l'esprit géométrique au charme du style : comme lui, il arrive à l'émotion par le raisonnement, et l'expression ne se colore que lorsque la dialectique a fait son œuvre, et qu'un violent effort a ouvert l'accès de ces horizons dont l'éclat ravit le poète. Chez Sully-Prudhomme, comme chez Pascal, on sent que le doute est une souffrance et que les cris les plus éloquents sont des cris de douleur. Aussi l'œuvre de Sully-Prudhomme, dans ses parties les plus aus- tères, attire et retient le vrai lecteur par cet attrait indéfi- nissable qui résulte et de la poésie elle-même et de la sym- pathie qu'inspire l'auteur. Dans cette pléiade de nos poètes contemporains, il n'est évidemment pas destiné à être le plus populaire. Mais c'est lui qui s'est courageusement ris- qué dans les voies les plus difficiles; c'est incontestablement lui qui s'est élevé le plus haut. Nul n'a mérité mieux l'es- time de ceux qui comprennent cette soif de vérité qui fait le tourment des plus nobles âmes. G.-A. HEINRICH. —-—•~\wjUiAAAAn/v