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ET LA POÉSIE PHILOSOPHIQUE 103 philosophie spiritualiste est une imagination bien servie par les hasards. Les rêves ont parfois des réalisations inatten- dues. Le spiritualisme en rêvant un Dieu a conçu l'ordre, et à son réveil il l'a trouvé. Cela prouve-t-il que son Dieu existe ? La philosophie spiritualiste pourrait répondre qu'il est au moins étonnant que le hasard l'ait si bien servie. L'équilibre qui résulterait d'une série de cataclysmes ne devrait-il pas être l'immobilité au lieu de cette activité incessante et féconde de toutes les forces de la nature ? L'argument de Fénelon, tant dédaigné, tant raillé par la science moderne, l'argument de la belle statue trouvée dans une île déserte, reparaît ici avec toute sa force. Sans doute, il n'est pas mathématiquement impossible qu'un bloc de marbre, roulé par les torrents et usé par le frotte- ment contre les pierres qu'il rencontre, ait pris à la longue la forme d'une admirable statue ; mais l'effort d'imagination nécessaire pour supposer la réunion absolument irréalisable de conditions aussi extraordinaires dépasse les forces de notre esprit. Il est infiniment plus simple d'admettre la présence d'un artiste de génie et de reconnaître l'action intelligente de son ciseau. Les penseurs du xvn c siècle n'ont point hésité, et quoi qu'en dise notre poète, la grande âme d'un Pascal, bien que tourmentée par le doute, don- nerait aujourd'hui la même conclusion qu'elle a si élo- quemment formulée dans les Pensées. Pascal, qui, tourmentant ton grand cœur attristé, En sublimes efforts épuises ton génie Pour terrasser le doute et mettre en harmonie La misère de l'homme avec sa majesté ;