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                              CHRONIQUE THEATRALE.




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                                        LA JEUNESSE,
                      Comédie en cinq actes, en vers, par M. Emile AOGIER.



              Nous avons cru un instant sur la foi du titre, que la comédie nouvelle
          était à l'adresse de la jeunesse de ces dernières années ; et nous nous en
          félicitions, car le sujet nous paraissait pouvoir fournir une ample matière
          à l'observation; et, à vrai dire aussi, la jeunesse actuelle mérite bien qu'on
          lui fasse entendre quelques bonnes vérités. Si elle risque jamais de se perdre,
          si d'aventure elle court aux écueils, ce ne sera pas certes par excès d'enthou-
          siasme ou de passion. De la passion ? où en met-elle ? est ce en litté-
          rature ? elle lit le Figaro, les romans à vingt sous, et il n'y a pas là de quoi
          la passionner, en vérité! Est-ce en politique? en philosophie? Ah! si ne
          penser rien veut dire penser bien, elle est irréprochable, mais je ne lui
          reconnais pas d'autre sagesse.
             Que la jeunesse d'aujourd'hui ne ressente et ne comprenne plus les
          tristesses, les rêveries, les mélancolies des René, des Verther, des Ober-
          mann, des Amaury, etc. etc., je ne suis pas disposé à lui en faire un crime.
          C'étaient là, après tout, quoi qu'on en ait dit, des maladies de l'âme, de
          nobles maladies, j'en conviens ; mais s'il est permis aux poètes de les re-
          gretter, parce qu'elles furent pour eux une source d'inspiration nouvelle
          et originale, le moraliste n'est pas tenu de s'affliger au même degré de
          leur disparition. Je ne reproche pas davantage à la génération qui entre
          dans la vie active de n'apporter, à son début dans la carrière, ni la cou-
          fiance, ni l'élan, ni la foi, ni l'ardeur dont firent preuve ses pères et ses
          aînés. Ce que je lui reproche, c'est moins de repousser ou de nier tel ou
(         tel idéal que d'en manquer. Elle n'est ni sceptique, ni dogmatique.
          Indéfinissable état de l'àme ! neutralité faite d'impuissance et de calcul !
          Aime-t-elle mieux le passe que l'avenir ou l'avenir que le passé? on serait
          en peine de le décider. Si elle paraît tenir de préférence au présent,
          c'est uniquement parce qu'elle en peut tirer parti en vue des satis-
          factions positives , les seules qu'elle prise et qu'elle recherche. Les
          âmes du commencement de ce siècle attachèrent beaucoup de prix
          à quelques sentiments dont elles étaient fières, ainsi que d'une parure
          morale qui leur était propre ; la parure est tombée, parure d'emprunt el
          de circonstance, si vous voulez, et que nous ne ramasserons point. Soit.
          Mais où en est à celte heure le fond de la nature humaine ? s'est-il enri-