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                               NAPLES.                            319
 bleus ; c'est là qu'on met le couvert des voyageurs qui n'ont pas
 eu soin de se fournir de provisions à Naples, et j'avoue avoir été
 de ce nombre, grâce aux excellents renseignements qui nous
 avaient été donnés par les gens du pays sur le restaurant con-
 fortable de Pompéï. La cuisine, hélas ! était aussi brillante que
 notre salle à manger. Nous nous sommes rabattus sur les œufs
 frais et les oranges ; mais ayant demande du sucre pour ces der-
 nières, et en bon italien, le garçon nous a gravement apporté
 du sel très-blanc, très-fin ; or, l'orange salée que j'ai goûtée pour
la première fois ce jour-là est bien le mets le plus affreux qu'un
 palais chrétien puisse soupçonner ! En revanche, l'hûte lui-même
 a bien voulu donner à l'un de nos compagnons, qui se plaignait
du vin et en demandait du meilleur coûte que coûte, une curieuse
leçon de dégustation. Il s'est versé gravement dans un verre
deux doigts environ du breuvage suspect, l'a porté à son nez et
senti quelques secondes. Puis, s'adressant à nous : « Qu'on ose
dire que ce vin n'est pas bon ! quel bouquet ! quel parfum
exquis ! Messieurs, pour apprécier la qualité du vin , sachez
qu'on ne doit pas le boire, mais le sentir ! » Nous avons ap-
plaudi d'un fou rire, et l'hôte s'est retiré      pour rire aussi pro-
bablement. Toujours le bout de l'oreille de Polichinelle qui se
montre ! Le Napolitain est créé et mis au monde pour le rire,
la pasquinade et la grimace ! Aussi, nul peuple en Europe ne
vit plus étranger aux passions politiques ; les révolutions s'y sont
faites et s'y feront toujours par des étrangers. Les habitations de
la classe infime sont pauvres. Je le crois bien ! Qu'importe la ca-
bane, rare refuge de quelques heures, à qui possède le plus beau
des palais. Le Napolitain vit presque constamment dehors, à la ma-
nière des Grecs, à la manière antique, comme le lui permettent
son beau ciel, son doux climat. Une sorte de mollesse enivrante
se glisse dans les veines avec l'air embaumé des parfums de la
rose, du jasmin, des orangers ; on sent de suite que les instincts
énergiques, austères ne peuvent prendre racine là. Cette im-
pression est surtout frappante lorsqu'on arrive de Rome, ville
toute d'émotions graves, recueillies, tristes, sombres parfois, où
le pied à chaque instant heurte une tombe de martyr, un marbre