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256 BIBLIOGRAPHIE. génère en faiblesse, et il est des cas où l'on est tenu d'être violent si l'on ne veut être faible, tel du moins nous paraît êtrecelui dont il est ici question. De quoi s'agissait-il, en effet, entre saint Bernard et Pierre le Vénérable? De la rivalité de deux Ordres?De la supériorité de la règle de Cîteaux sur celle de Cluny? D'une querelle de moines, en un mot? M. Duparay semble le croire, et, selon nous, il se trompe. La question en litige avait une tout autre importance ; il s'a- gissait d'un relâchement général dans la discipline religieuse ; les mœurs séculières s'introduisaient dans les cloîtres comme dans les palais épiscopaux. Ce relâchement était profond, et Cluny était loin d'y avoir échappé : il suffit, pour s'en con- vaincre, de lire YApologia ad Guillelmum, adressée par saint Bernard à un abbé de l'Ordre des moines noirs. Des deux côtés on reconnaissait le mal, mais on ne s'entendait pas sur la nature du remède qu'on devait y appliquer. Pierre le Vé- nérable estimait qu'il fallait faire quelques concessions à l'in- firmité humaine, et se borner à proscrire les abus grossiers et les dérèglements incompatibles avec la vie religieuse ; saint Bernard pensait, au contraire, qu'il fallait bannir des cloî- tres, non-seulement les vices, mais aussi toutes Jes super- fluités qui y amènent, soil de loin, soit de près; et pour en finir plus sûrement avec les abus, il voulait en faire disparaître les causes et jusqu'aux occasions. Lequel des deux avait rai- son ? Lequel des deux entrevoyait mieux les dangers de l'a- venir? Je ne pense pas que ce soit Pierre le Vénérable. L'histoire du moins s'est prononcée en faveur de saint Ber- nard, et, parmi les litres qu'elle lui a décernés, elle a mis en première ligne celui de réformateur de la discipline. C'est de ce nom que les papes, les èvèques et les abbés eux-mêmes l'appelaient de son temps, et Pierre le Vénérable, la querelle une fois apaisée, n'en parle pas autrement ; il le proclame : Lacteam fortemque columnnm cui hmititur monastir/i ordinia