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 206                       LA HAUTE-LOIRE
  fresque, armoiries abbatiales, têtes dans le sentiment étrusque,
  scènes du dernier jugement etc., naïves expressions de l'art rede-
  venu primitif; parles niches tombales en arceaux surbaissés ; par
  l'autel, grande table carrée en pierre fruste sur un cipe de même
  nature, trahissant son origine celtique. Extérieurement, la nef à
  contreforts peu saillants, les petites ouvertures sans menaeux, un
  clocher à flèche de pierre un peu lourd mais non dépourvu d'élé-
  gance, chacune des parties enfin, et par-dessus tout cet harmo-
  nieux et sombre cachet dont s'estompent les anciens monuments,
  attestent la vétusté de l'humble chapelle. Sa noble simplicité parle
  vivement à l'irragination.
     Dans ce réduit, espèce de petite thébaïde entre des rocs, le
  ciel et l'eau, la pensée involontairement se laisse gagner aux
 longues rêveries. Je me souviens qu'assis auprès de l'instrument
  où Daguerre, par une intuition de génie, sut crayonner la nature
  au moyen des rayons lumineux, je sentais mon esprit s'égarer
 au loin dans la succession des âges. Ainsi, me disais-je, l'idée
 fondamentale de chacune des grandes phases humaines demeure
 écrite sur la pierre des monuments, plus apparente que dans
 l'histoire. Autour de moi, dans ces œuvres féodales, couvents,
 églises ou vieux manoirs, respirent la foi chrétienne, l'aspiration
 religieuse et guerrière de ce moyen âge héroïque. Ailleurs, je
 vois la Rome dominatrice du monde se révéler dans les propor-
 tions grandioses d'aqueducs, d'arènes monumentales. Sous le
beau ciel ionien c'est le polhyteisme sensuel et gracieux, le génie
modèle et créateur dans toute sa pureté, encore attaché aux débris
multipliés des colonnades et des temples. L'Egypte garde sous
 ses montagnes factices le culte des ancêtres et des tombeaux, et
l'Orient, berceau des théogonies et des races, laisse deviner au
savant, dans le symbolisme de ruines anté-historiques, ses ado_
rations élémentaires pour le feu et les astres. Qui pourrait dire la
forme et la pensée distinctives que l'âge présent doit léguer aux
investigations futures? Qui sait même si un type original se dé-
gagera jamais d'une époque où le scepticisme, le doute sont par-
tout, la foi et l'unité nulle part ; si nos œuvres, syncrétisme de
tous les styles et de tous les temps, seront autre chose qu'un