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190 DANGER DE L'ACCROISSEMENT DES VILLES qui se sont succédé en France, malgré leurs vœux ardents pour la prospérité des campagnes, malgré leurs paroles de dévouement pour l'agriculture, magnifiques paroles à peu près stéréotypées depuis Louis XIV, se sont trop abandonnés a la pente qui les entraînaient vers les villes et l'industrie, ont trop dirigé vers l'industrie et les villes le mouvement des capitaux ; et la où vont les capitaux vont les hommes. Ensuite, il faut le dire, nos institutions: la constitution de la famille, notre système d'éducation, etc., tendent peu à retenir les familles à la campagne ; et c'est peut-être, plus qu'on ne le pense, l'une des causes qui font que, depuis la fin du siècle dernier, nous roulons sans cesse de révolutions en révolutions. Lorsque la famille n'est pas fortement constituée par la puissance paternelle, par les lois successorales, par quelques possibilités de conservation héréditaire de la propriété dis- pensées dans une sage mesure, la solidarité patrimoniale s'effaçant, chacun tend a se disperser. Alors l'individualisme s'empare de la société pour y porter ses appétits et ses convoitises ; et de la sortent ces agitations incessantes qui trouvent leur aliment dans les grands centres de population, qu'on peut comprimer plus ou moins longtemps, mais qui couvent toujours dans les bas-fonds de la société. Sans doute, il faut protéger les villes, parce qu'elles sont le foyer des lumières ; il faut protéger l'industrie, cette mer- veilleuse action des forces physiques et morales de l'homme appliquées à la production ; il faut la protéger beaucoup, parce qu'elle est, dans les États modernes, l'un des grands éléments de la prospérité et de la puissance publiques. Mais il ne faut pas que la protection aille jusqu'à devenir une amorce qui détourne les populations de l'agriculture. C'est ainsi que Colbert, qui imprima tant d'activité à l'in- dustrie et aux manufactures, en même temps qu'il apportait