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                       DES CLASSES RICHES.                   101
 principale de son oisiveté : le motif qui agit avec le plus de
 force sur ses déterminations, est un sentiment qu'on pour-
 rait appeler de la vanité, mais que je préfère désigner sous le
 nom de dignité mal comprise.
    Il fut un temps où la noblesse française avait le monopole
 des places élevées et partageait son temps entre la guerre
 et l'administration du pays. Les cadets de familles n'ayant
 qu'une faible part à l'héritage paternel, étaient contraints de
 choisir une carrière dans le Clergé, dans l'Administration, la
 Magistrature ou l'Armée. Ils y trouvaient des places ré-
 servées qui leur aplanissaient les difficultés , toujours si
grandes, des débuts. Soit effet de ces avantages , soit dé-
vouement au Roi et aux institutions qui lui étaient si favo-
rables, la noblesse remplissait dans l'État un rôle aussi grand
qu'il paraissait nécessaire. Le prestige dont elle était natu-
rellement entourée et auquel concouraient ainsi le nombre et
l'étendue de ses services, conduisait la bourgeoisie, toujours
sa fidèle imitatrice, à réclamer aussi des devoirs à remplir,
lors même qu'elle n'y était pas poussée par le besoin.

     Aujourd'hui que la noblesse véritable, ne prend part qu'ex-
 ceptionnellement aux emplois, et qu'elle se tient a l'écart des
 professions qui mettent dans la dépendance du public, le gen-
 tilhomme n'est plus un capitaine, un abbé, un magistrat :
 c'est, aux yeux du monde, un homme qui jouit de la fortune
 et qui dispose librement de son temps. Le bourgeois enrichi
 l'imite dans ses loisirs, et s'applique a rechercher des noms
 qui masquent l'humilité de son point de départ. Il devient
 possesseur d'une terre dont la désignation ne semble d'abord
 qu'un moyen de distinguer son nom plébéien ; peu à peu ce
 nom n'est plus désigné que par une initiale ; celui de la terre
 se montre presque seul précédé de la particule aristocra-
tique ; l'initiale disparaît et le successeur des Jourdains du
XVIIe siècle se croit transformé en parfait gentilhomme.
    Je pourrais signaler le ridicule de ces mutations sur les-
quelles on plaisante pendant quelques années et que l'on finit
par accepter avec une molle complaisance, mais il y a là un
côté plus grave de la question, c'est la répudiation du nom
paternel. Hé quoi ! tandis qu'un père, en consacrant sa vie à
un labeur qui n'a été fructueux que parce qu'il était utile, a
légué à ses enfants une aisance qui n'était que la moindre
part de l'héritage d'honneur et de bons exemples qu'il leur a
laissé, le premier soin de ses enfants sera d'effacer le nom