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                        LE PÈRE DE LA CHAIZE.                             63

l'Empire, qui ont moissonné plus de trois millions de Français,
parmi lesquels dut se trouver un nombre considérable d'ou-
vriers (1), n'a-t-on pas été témoin, pendant les quinze années qui
suivirent tant de désastres, du magnifique essor de notre indus-
trie et d'un accroissement de richesses peut-être sans exemple
dans notre histoire ? Au tumulte et aux inquiétudes d'une guerre
qui avait duré vingt-cinq ans, avait succédé le calme et les créa-
tions fécondes de la paix : le blocus continental avait cessé et
les peuples, un moment emprisonnés dans leurs frontières et dans
leurs ports, avaient été rendus enfin à la liberté. C'est là tout le
secret de la prospérité commerciale de l'Europe à cette époque.
Et, comme on le voit par ce frappant exemple, cette prospérité se
produisit irrésistiblement, et par la force des choses malgré l'a-
moindrissement énorme de population que tous les peuples du
continent avaient subi.
   Qu'on se reporte maintenant au XVIIe siècle. La guerre héroï-
que et infortunée que soutenait Louis XIV avec un courage et une
constance qui n'ont pas depuis trouvé d'imitateur, cette guerre
avait aussi épuisé le royaume d'hommes et d'argent, elle avait
d'ailleurs et c'est là le point essentiel de la question, interrompu
pendant vingt ans nos relations commerciales avec l'Europe. De
là, pendant cet inlervalle, une cessation à peu près complète de
travail dans nos manufactures. Voilà la cause la plus réelle, comme
la plus manifeste de l'état de souffrance où se trouvèrent réduits
notre industrie et notre négoce. La fuite des ouvriers protestants
n'y contribua donc que pour une faible part.
   Que l'on considère au surplus ce qu'était alors la situation
industrielle de la France (2). A peine nos principales manufactures
venaient de naître sous l'œil créateur et sous la main protectrice de
Colbert. Il est vrai d'ajouter pourtant que, si l'émigration ne ravit
point à la France « les industries où elle excellait, elle les intro-


   (1) Voir les chiffres authentiques fournis par M. Lubis dans les pièces
justificatives de son Histoire de la Restauration.
   (2) Hist. Gle de l'Église, par Bérauld Bercastel, t. IX p. 288 et suiv. —
Hist. de M mo de Maintenon , par le duc de Noaillcs, t. H passim.