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LETTRES SUR LA SARDAIGNE. 485 grande roule, qui le relie à Cagliari, Dans les forêts de chê- nes verts qui l'entourent, s'élèvent les ruines du temple d'Àntas. Quelques colonnes brisées , détachées de leur base , ont roulé sur le sol, au milieu des herbes qui les recou- vrent ; d'autres , restées debout, cachent dans les branches leurs chapiteaux mutilés. Ce sont des ruines pleines de mélan- colie et de grandeur, mais sont-elles phéniciennes , grec- ques ou romaines? je l'ignore, et n'ai pas même essayé de le reconnaître : on ne jouit de rien quand on veut s'assurer de quelque chose. La chapelle de saint Joseph est.plantée au sommet d'un rocher, coupé a pic , formant devant le parvis une terrasse naturelle, ombragée d'accacias et aux pieds de laquelle rou- lent en mugissant les eaux d'un torrent. L'œil plonge, de là , dans les abîmes de verdure d'une vallée ténébreuse, qui s'enfonce entre deux montagnes immenses, aux flancs des- quelles se tordent suspendus les chênes verts et les carrou- biers. Celle nature grandiose et sauvage était animée, ce jour-là , par des milliers de fidèles accourus des environs. Les cris , les chants , les coups de fusil faisaient retentir les échos des montagnes ; les jupes écarlales , les blancs man- teaux tapissaient les gazons verts et courraient sous le feuil- lage, tandis qu'une procession descendait de la chapelle, serpentait aux bords du torrent, et disparaissait dans les bois pour reparaître, bientôt après, au sommet d'une roche escarpée. Une foule compacte se pressait devant la chapelle encombrée, dans laquelle on chantait la grand-messe aux sons de la laoneda. Voulant y pénétrer, nous escaladâmes une fenêtre ; mais elle donnait dans la sacristie , et nous tom^ bâmes au milieu des desservants ébahis et des moines de la Merci, chefs religieux de la fête ; l'un d'eux se pré- parait à prononcer l'éloge du saint, assis devant un rôti d'a~ gneau et une bouteille de vin vieux, sans doute pour se don-