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                        M. ALEXANDRE DUMAS.                               153
 . Peu de temps après mourut le duc d'Orléans. Pour tout autre
que pour M. Dumas, cette perte eût été difficile à réparer; mais
bientôt le duc de Montpensier s'enthousiasme de l'auteur des Trois
Mousquetaires ; le jeune prince continue à protéger les lettres
en la personne de M. Dumas ; il sollicite pour lui l'autorisation
d'ouvrir un nouveau théâtre; il l'obtient, malgré les réclamations
des entreprises rivales; et, par une matinée du mois d'avril 1846
M. Dumas sort du ministère avec son privilège à la main, charte
bien autrement merveilleuse pour lui que ne l'étaient au XVe siècle
les parchemins de Nicolas Flamel et d'Agrippa sur la transmutation
des métaux. Après cela est venu le voyage d'Espagne ; cet histoire
est encore, sinon dans toutes les bouches, au moins dans toutes les
mémoires (i ).
   Voilà tout ce que nous avons pu recueillir d'un peu précis sur la
vocation et les opinions politiques de M. Dumas. Mais que devient
la littérature au milieu de ces amusantes palinodies? ce qu'elle
était tout à l'heure avec les primes fermes, l'exploitation du roman
et les billets de banque. Lorsque, prenant en main la défense de
l'art dramatique, M. Dumas parle avec énergie de la décadence des
lettres, il se fait illusion à lui-même: toutes ces questions le lou-
chent fort peu dans leur partie purement esthétique et spéculative.
De même, lequel croire, ou de son dévouement monarchique quand,
pour flatter le petit-fils sur le trône, il adule, dans Une fille du Ré-
gent, la mémoire de Philippe d'Orléans et du cardinal Dubois, ou
de son indépendance, lorsqu'il s'écrie: «Louis-Philippe ne pou-
vait donner son nom à notre époque; elle s'appelait déjà le siècle de

   (i) Ce voyage de Madrid a été pour M. Dumas un nouveau prétexte à de
ruineuses dépenses. Les feuilles du jour racontent, entre autres particula-
rités, qu'il a fait confectionner deux livrées pour son laquais nègre, l'une en
satin blanc avec galons d'argent, l'autre en cachemire semé de dessins fan-
tastiques. Il ne faut donc point s'étonner que l'auteur du Comte de Monte-
Cristo, trouvant insuffisant et mesquin le crédit de 10,000 fr. qui lui a été
alloué, ait aussitôt cherché à négocier un emprunt de 60,000 fr., afin de sou-
 tenir dignement, dans la capitale de l'Espagne, sa réputation de luxe et
 de prodigalité. On ajoute qu'au moyen d'une vente à réméré, il a aliéné tout
 son répertoire dramatique présent et à venir, pour la somme de roo,ooo fr.