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                 LETTRES SUR LA SARDAIGNE.                  473
  chanter des cantiques, il serait absurde de les en empêcher ;
  aussi, ai-je toujours eu une sincère admiration pour l'esprit
  des Tères Jésuites, objets d'une terreur si amusante, qui,
  profitant de l'inclination naturelle qu'ont tous les hommes
  pour le merveilleux, le mystère et la sensiblerie, ont, dans
 leur zèle de propagande, inventé les confréries secrètes et in-
 nocentes, les miracles hasardés, les dévotions onctueuses, le
 tout au bénéfice des marchands d'images et de livres de dé-
  votion.
     Une allée de sycomores rabougris et touffus nous conduisit
 au sommet de la colline, sur une terrasse spacieuse qui forme
 le perron de la capucinière. La magnificence du panorama
 qui se déroulait a mes yeux, me plongea dans une extase
 admirative. La plaine du Campidano s'étalait toute entière à
 mon regard comme un lapis immense, que tigraienl les teintes
 dorées des moissons ondulantes, et les eaux bleues des étangs.
 Plusieurs villages étendaient ça et là leurs toits de chaume,
 d'où s'élevaient des spirales de fumée : Samassi, caché sous
 les myrthes et les lauriers, qui ombragent les bords de sa pe-
 tite rivière; San-Gavino, jeté comme une île au milieu des
étangs qui l'entourent; Monl-Réal, dont les ruines féodales
se dressent au sommet d'une grande roche calcinée, et Villa-
cidro, dont les maisons blanches s'émietlent sur les flancs
ombragés des hautes montagnes qui couvrent l'extrémité mé-
ridionale de la Sardaigne. Décidément, de tous ces moines qui
consacrent à Dieu, dans les profondeurs du cloître, leurigno-
lance et leur oisiveté, les Capucins sont les plus spirituels;
eux, au moins, savent choisir les positions splendides pour y
bâtir leur nid; ce couvent, néanmoins, la beauté et la salu-
brité de sa position à part, n'avait rien de bien attrayant ; ses
murs roux et décharnés offraient, pour tout ornement, une
image de la Vierge peinte au-dessus de la porte avec une
naïveté chinoise ou perruginesque; et l'intérieur, dont un