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DE LA FRANCE. 457 ce qui couronne sa littérature, c'est sa politique. En payant à l'œuvre sociale le tribut d'admiration qu'elle mérite, on justifie assez de son respect pour l'œuvre littéraire et l'on acquiert le droit d'en parler avec sincérité. Si nous abordons ici l'étude des monuments de la littérature française avec l'intention de la juger, sans laisser fléchir nos croyances esthétiques devant certaines admirations tradi- tionnelles, nous n'aurons, cependant, aucune violence à nous imposer pour témoigner un culte au génie national. Plus une critique est amie, plus elle est franche et sévère, car elle montre ainsi qu'elle croit l'artiste capable de progrès. C'est, d'ailleurs, une des facultés les plus remarquables de la France, qu'elle conserve dans son entier lorsqu'il s'agit de se juger elle-même cette liberté d'esprit qu'elle porte dans l'exa- men de toutes les questions. Aucune nation ne confesse plus généreusement ses défauts. Tandisque les autres peuples en- censent dans eux-mêmes l'idéal de la perfection, et bercent leur étroit patriotisme dans le sentiment d'une orgueilleuse supériorité, la France, avec une noble confiance, est toujours la première à s'accuser aux yeux du monde. Notre conscience nationale parle tout haut, nous avons besoin d'interroger sur nous même le genre humain tout entier, car c'est nous qui portons ses destinées. Je ne voudrais d'autres preuves de la grandeur de la France que cette rude sévérité avec laquelle notre nation critique elle-même, à chaque instant, ses mœurs, sa littérature, sa politique; elle se sent assez riche de gloire pour avouer ce qui lui manque, assez forte pour le conquérir. Peut-être a-l-on pu accuser de nos jours une école litté- raire de dénigrer par esprit de système les écrivains des deux siècles précédents, peut-être aussi devrait-on reprocher à l'école opposée de n'avoir pas compris l'importance des œuvres modernes. Il est certain que notre époque a vu la poésie française s'enrichir de tout un monde d'idées qui lui