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   C H R I S T O P H E COLOMB,
                Ode symphonie par FÉLICIEN DAVID.




    En face d'un beau talent et d'un beau succès la critique se
trouve à l'aise ; devant une médiocrité, lors même qu'elle triom-
phe, la sévérité parait peu généreuse; devant une œuvre distin-
guée, elle est une preuve de l'importance même qu'on y attache-
L'auteur du Désert a été porté d'un seul coup au sommet de nos
gloires musicales; on avait tant besoin d'un homme de génie
qui renouvela quelqu'une des branches de l'art, qu'à la soudai-
neté et à l'imprévu de son apparition, on a pris pour du génie
un talent qui se manifestait avec la surface de l'originalité. Puis,
lorsqu'une seconde épreuve a forcé de revenir un peu sur le
premier jugement, on est allé trop loin dans la critique, comme on
était allé trop loin dans l'éloge. Quelque puisse être notre pré-
dilection particulière pour tel ou tel passage du Désert ou du
Christophe Colomb, ces deux œuvres ne dépassent pas le même
niveau. Tout ce qu'elles attestent de fantaisie charmante, de
science et d'habileté dans l'esprit musical qui les a conçues,
nous prouve que nous avons un aimable, un adroit composi-
teur de plus, mais non pas que l'art soit repris et continué à
partir du point où Beethoven et Rossini l'ont laissé.
    Il y a, dans les œuvres de M. Félicien David, un remarquable
talent de style, beaucoup d'adresse à combiner des effets nou-
veaux dans l'exécution instrumentale. Une idée étant donnée, il
 est impossible d'en tirer un parti meilleur et plus complet que
 l'auteur du Christophe Colomb ; tout ce que le tour de phrase
 gracieux, ingénieux et lin peut lui ajouter de charme, le motif
 musical l'emprunte de l'intelligence du jeune maestro; tout ce que
 l'adroite combinaison des ressources de l'orchestre peut ajouter
 de découpures brillantes à la draperie de la statue jaillit à pro-
  fusion sous les doigts de l'artiste instruit et studieux. C'est dans
 l'idée elle-même, que tout l'éclat d'un beau talent ne saurait