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                        DE LA FRANCE.                       441

l'excessive délicatesse que le langage littéraire doit chez nous
à son origine aristocratique, nécessite l'emploi fréquent des
périphrases et nuit à l'énergie. Cette difficulté môme à l'é-
crire d'une façon énergique et serrée sans cesser d'être pure
et grammaticale , concourt à la perfection du style ; une fois
qu'une idée a été rendue en français sous sa véritable ex-
pression, dans un beau vers, dans une phrase bien faite, il
semble que celte forme soit la seule possible pour la même
pensée, elle acquiert quelque chose d'indélébile. Ainsi, dans
la sculpture, plus la matière est dure au ciseau , plus l'œuvre
est assurée de vivre.
   Cette langue ne se prèle point à l'improvisation , elle
n'est point populaire ; comme elle abonde en règles conven-
tionnelles, elle servirait mal une imagination sans culture.
Nulle intelligence ne la façonne à son gré et ne la domine ,
le génie lui-même est souvent dominé par elle.
   Voilà pour l'esprit de la langue française ; si nous con-
sidérons maintenant chez elle les propriétés physiques, c'est-
à-dire le son , elle nous apparaîtra presque totalement dé-
pourvue de l'élément musical, c'est une langue qui n'a pas
d'accent; parler le français avec un accent, c'est le parler
mal. Il est pauvre en syllabes sonores, surtout dans les dési-
nences; ce que nous appelons l'é muet est une particularité
de notre idiome ; on peut obtenir de lui une phrase pleine de
mouvement et qui ne sera pas dépourvue de nombre, mais
qui n'atteindra jamais l'harmonie éclatante des langues m é -
ridionales.
   En partant de ces idées sur la langue françoise, ne pour-
rait-on pas se former à priori une notion de la littérature à
laquelle cette langue fournit les signes nécessaires pour la
manifestation de la pensée.
   Toute littérature, c'est-à-dire tout ensemble de monuments
dans lesquels une société exprime son génie à l'aide de la