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134                   M. ALEXANDRE DUMAS.
système, à l'individualité littéraire, nous retrouvons M. Dumas
transformé par le succès d'Henri III, passant trop subitement de
l'obscurité à la lumière pour n'être pas ébloui, et de son traitement
d'expéditionnaire aux ressources dorées que renfermait la caisse du
Théâtre-Français. C'est alors que commence pour le jeune écrivain
celte vie de plaisirs bruyants, de fêtes nocturnes et d'excentricités
qu'il a mêlées jusqu'à ce jour, tantôt à des courses aventureuses,
tantôt à des labeurs opiniâtres, sans trêve et sans repos. Bientôt,
pour l'avoir vu au bois de Boulogne sur uu cheval indompté, au tir,
à la salle d'armes, au balcon de l'Opéra, partout où il y a des émo-
tions à recueillir, l'attention à exciter, tout Paris peut connaître un
jeune mulâtre do haute et athlétique stature, aux cheveux noirs et
crépus, aux lèvres charnues, à l'œil ardent. Sa démarche est ra-
pide, ses mouvements brusques, sa voix forte et sonore. Sa conver-
sation abonde en exclamations, en saillies; volontiers il va s'enivrant
de sa propre parole, et donnant à ses pensées la forme dramatique,
ampoulée, qu'il prêle à ses héros; enfin toute sa personne respire
la confiance et semble, par l'exubérance des forces vitales, porter
un défi à la création entière.
   Cependant, au milieu des enivrements de sa prospérité, M. Dumas
ne pouvait oublier qu'il avait été salué du nom de Shakspeare fran-
çais par un public émerveillé. Il s'agissait de ne pas faire mentir un
aussi brillant horoscope, duquel on pouvait même rabattre beau-
coup sans sortir des limites d'une excessive faveur. Mais le jour et
la nuit étaient tout au plaisir; le temps manquait pour créer une
œuvre nouvelle. Comment concilier les folles joies avec les impé-
rieuses conditions d'un avenir dramatique? Pour y parvenir, M.
Dumas entreprit un genre de travail dans lequel il excelle, et qu'il
a depuis exploité sur une plus vaste échelle. Il arrangea en drame
son ancienne tragédie classique de Christine, qu'il retira des cartons
de la Comédie Française, pour la porter à l'Odéon, où elle fut repré-
sentée le 30 mars 1830, sous le titre de Stockholm, Fontainebleau
et Rome, trilogie. Quelques scènes à effet, certaines beautés do dé-
tail, des vers bien frappés ne purent sauver Christine après sa trans-
formation. Le public ne voulut y voir qu'un assemblage de pièces
rapportées, sans unité , sans liaison, qu'une suite d'interminables