page suivante »
483 nous parurent aussi fertiles que les premières ; des points de vue agréables et des sites pittoresques nous rappelèrent nos belles campagnes du Lyonnais qu'il est si difficile d'oublier, quelque soit le lieu où l'on se trouve. Dans ce trajet, nous visitâmes la tribu des Adecis, qu'il ne faut point confondre avec les autres habitants de ces contrées. Les Adecis, véritables Bohémiens, qui en ont conservé les mœurs, les traditions et jusqu'à la profession de diseurs de bonne aven- ture, appartiennent à une peupladenomade et pauvre. Ils voyagent en famille, s'établissent sous des tentes au milieu d'un pré ou d'une terre tant qu'ils y trouvent quelques moyens d'existence. Ceux que nous avons vus sont originaires des environs de Tunis; leur troupe se composait d'une douzaine d'individus, hommes, femmes et enfants, tressaillant tous à la vue de quelques pièces de monnaie. Les femmes, très adonnées au libertinage, avaient la peau olivâtre, le visage tatoué et d'assez beaux traits. Il nous eût été facile d'aller plus loin en nous rapprochant de l'Atlas et sans nous exposer au moindre danger; mais je devais me rembarquer le lendemain pour la France, et l'heure avancée nous força de retourner à Alger, dont nous prîmes la route en passant par le camp français de Rouba. Pendant notre excursion, les habitants de ces campagnes nous ont reçus avec cordialité ; plusieurs d'entr'eux me consultèrent sur les maladies dont ils étaient atteints, même sur les plus lé- gères indispositions, et écoutèrent avec une attention presque religieuse les conseils que je leur donnai. Ils ne m'ont point paru dénués d'esprit naturel. L'un d'eux me témoigna le désir de voir notre capitale de France et voulait que je l'y amenasse : « Vous « venez bien de Paris, me disait-il en Arabe, pour nous visiter, « nous, pauvres sauvages ! Vous ne devez donc pas être étonné « que nous désirions aller, à notre tour, dans cette ville que l'on « nous dit si grande, si belle, si riche, si admirable !...» Cette réflexion ne manque ni de raison, ni de jugement, ni d'un certain esprit d'observation ; et pour un homme qui se dit barbare , une telle pensée ne l'est certes pas du tout. Tel est, au reste, le privilège de notre beau pays ! Telle est la puissance du haut degré de civilisation auquel nous sommes par-