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177 vouée à toute espèce de supériorité : j'ai fait plusieurs fois ces amères réflexions en m'apercevant du changement qui s'opère dans toutes les habitudes de mon pays natal. Crozet, cette bonne petite ville antique, cette relique oubliée d'un autre âge, tend aussi à se faire à sa façon dix-neuvième siècle. Véritablement c'est un contre-sens choquant -, car si son intérieur devient autre, sa physionomie jusque-là est bien toujours la même, à part quelques ruines de plus qu'a faites le temps. Cette vieille maison gothique que vous voyez toute bariolée de briques de diverses couleurs^ tout ornée à sa façade de médaillons sculptés représen- tant des bustes ou des emblèmes ; elle est telle encore que l'ont vue il y a dix ans Victor Hugo et Charles Nodier ; elle appartient à la famille de Tourville, et c'est là qu'est né Papon le juriste. Sur l'ogive #une porte hérissée de pointes de fer, se lisent ces mots : Sileto et spera : c'était la prison. Au dessus d'une autre, on a gravé cette sentence mystérieuse : Homo homini monstrum. De cette seigneuriale habitation , dit la chronique populaire, par- taient des voies souterraines qui aboutissaient au Château Mo- rand, noble et féodale demeure , où l'auteur du roman de VAs- trèe, Honoré d'Urfé, vint épouser cette Diane si belle, qui ne lui donna pour enfans que des avortons informes et monstrueux. J'ai parlé tout-à -l'heure du passage de "Victor Hugo à Crozet; qu'on me permette une courte anecdote comme peinture de mœurs. L'illustre poète eut pour cicérone le maître d'école du. lieu; cet excellent homme ne pouvait assez se féliciter d'avoir vu un auteur. Quand il vint tout essoufflé d'admiration m'annon- cer sa bonne fortune, on eût dit de quelqu'un qui aurait répété les paroles d'Henri IV : Pends-toi, brave Grillon , j'ai vu un aw teur, et tu n'y étais pas. — Un savant, celui-là ! s'écria-t-il avec enthousiasme ; il a fait imprimer un ouvrage à dix-huit ans ; pen- sez donc ! » — Alors il avait en tête de faire ériger Crozet en commune ; il ne crut pas pouvoir mieux faire que de s'adresser au grand homme qu'il avait le bonheur de connaître: les grands hommes ne sont-ils pas tout-puissans? Il lui écrivit donc une lettre à celte fin. Or, comme il savait de latin quelque peu, il y mit cette pompeuse inscription : In litterarum republicâ omnipo- tenti. — C'est le dernier des Romains que cet homme d'une sim- 12