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  1377. L'on n'avait encore rien Vu de si éloquent, et le roi même, qui était natu „
 rellement doué du talent de la parole, charmé de la beauté et de la force de ce
  discours, en parut ému, et après lui avoir donné les louanges qu'il méritait, il
  ne tarda pas à lui en témoigner sa satisfaction, l'ayant gratifié incontinent après
 d'une charge de conseiller d'état ordinaire. Le duc de Guise, en particulier , res-
 sentit une joie si vive du glorieux succès qu'avait eu cette harangue que, n'étant
 pas maître de son transport, il alla embrasser le prélat au milieu de cette auguste
  assemblée. En effet, cet ouvrage ayant été depuis donné au public, a été jugé
  un des plus excellens morceaux d'éloquence qui ait paru en ee genre.
      Deux années après (187d)s il présida l'assemblée du clergé tenue à Melun, et en
  fit l'ouverture avec son éloquence ordinaire : la préséance lui fut encore disputée
 par l'archevêque de Bordeaux; il ne laissa pas, malgré la concurrence et le par-
 tage qu'on y apporta, de signer le premier la clôture de l'assemblée en qualité de
 président, l'archevêque de Bordeaux n'ayant signé qu'après lui. Jusqu'alors une
 fortune riante avait suivi l'archevêque; le roi l'aimait; il lui en donnait des
 preuves publiquement. Le clergé et la noblesse le considéraient comme un homme
 extraordinaire. Il ne voyait point de places éminentes où il ne put porter ses
 désirs, lorsque le duc d'Epernon , extrêmement jaloux de la faveur qu'il possédait
 auprès du roi, et n'en voulant partager avec personne les bonnes grâces, trouva
 mauvais que l'archevêque essayât de prendre une autorité qui put balancer la
 sienne. Ce favori, dont la fierté et la hauteur ne pouvaient souffrir d'égal, ayant
 trouvé dans le prélat une résistance également impérieuse et hautaine, soit en la
 diversité de sentimens dans les conseils, soit une affectation trop marquée de ne
 vouloir pas plier comme le reste de la cour sous le poids de sa faveur, se déclara
 ouvertement son ennemi. Le duc de Guise se servit de cette aigreur réciproque
 pour détacher l'archevêque du parti du roi et le mettre de son côté. Ce duc,
 qui roulait dans sa tête les vastes projets qu'il ne tarda pas de faire éclore, jugea
qu'un tel Sujet ne pouvait que lui être extrêmement utile.
    La Ligue formée par l'ambition des princes de la maison de Guise se couvrit du
 voile de la religion ; elle resta long-temps dans l'obscurité, et ne se découvrit qu'à
 mesure que ses auteurs trouvaient des circonstances favorables à lui donner quel-
 ques accroissemens. Ils n'avaient jamais perdu de vue ce dessein formé depuis
long-temps par le défu nt cardinal de Lorraine, et attentifs à se concilier la
bienveillance des peuples et à décrier le gouvernement, ils surent profiter de la
faiblesse où il tomba, principalement sous Henri III, et des mécontentemensquien
furent la suite. La mort du duc d'Alençon, frère unique du Roi, arriva très à
propos pour donner lieu au duc de Guise d'exagérer le danger que courait la
religion après la mort du roi, qui n'avait point de successeur à la couronne plus
proche que le roi de Navarre. La diversité de religion que ce dernier professait
fut un motif assez puissant pourengager un grand nombre de mécontens dans ce
nouveau parti. Le roi, occupé de plaisirs et plûngé dans une vie molle, en vit