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370 LA BOUCLE D'OR autres, ajoutait mon oncle, savaient à quoi ils s'engagent, aucun ne se résignerait à prononcer le oui fatal ; et pour- tant il faut bien qu'il y en ait qui le prononcent. — Hélas ! poursuit, comme à part soi, l'abbé Germain, les plus à plaindre sont encore ceux que le diable aveugle, soit qu'ils se refusent à prendre l'un des deux fardeaux, mariage ou sacerdoce, soit que, présumant de leurs forces, ils s'impo- sent, comme moi, les deux à la fois ! » Après cet exorde, débité du ton aimable et mélanco- lique qui lui est familier, l'abbé déclare que, pour sa part, il approuve en entier les vues de Jean. Mais, il faut que celui-ci le sache, les droits de Garite au titre defilleadop- tive sont jusqu'à présent conditionnels. Car il est un point que M. et Mme Bonin ont tenu sous le mystère et qu'il im- porte enfin de révéler : Marguerite ne leur est rattachée par aucun lien de parenté, c'est un enfant trouvé, né de père et mère inconnus. M. Bonin avait une vieille marraine, habitant un village perdu sur les confins du Dauphiné et de la Savoie, à laquelle il allait une fois l'an faire visite. Quand elle mou- rut, Mme Bonin accompagna son mari pour rendre les der- niers devoirs à la défunte et recueillir le mince héritage de la bonne dame. Une paysanne du voisinage, restée veuve et qui servait parfois la marraine, avait un nourrisson, à elle confié, trois ans auparavant, par l'hospice de la Charité : c'était une fillette pleine de vie et de malicieuse pétulance. Mme Bonin, sans espoir désormais d'avoir un enfant, s'éprit de la petite abandonnée et témoigna le désir de l'adopter. Cette adop- tion, toutefois, ne pouvait se faire légalement avant que l'orpheline présumée eût atteint sa majorité, le droit de réclamer un enfant abandonné restant ouvert aux parents