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                      LA BOUCLE D'OR                     29I




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   M. Jauffrey mariait une de ses sœurs, beaucoup plus
jeune que lui, mais un peu plus âgée que Jean qui venait
d'accomplir ses vingt-trois ans : c'était comme les deux
enfants de la maison. Jean fut naturellement désigné pour
être garçon d'honneur, avec Garite Bonin pour sa demoi-
selle.
   Selon la coutume, le mariage eut lieu l'après-midi, et le
traditionnel dîner de deux heures fut reporté à quatre.
La noce alla de l'église au restaurant — chez Caillot dont
l'établissement, si heureusement niché dans la verdure,
perpétuait sur le coteau de Montauban la tradition du
Thunes de nos arrière-grands-pères.
   On est aux premiers jours de mai. Après le café, pris
dans le jardin qu'éclaire un doux rayon de soleil couchant,
Garite et Jean, accoudés sur le bord de la terrasse et les
yeux enchaînés par le vivant panorama qui se déroule à
leurs pieds, se trouvent seuls un moment. Cela leur est
arrivé plus d'une fois, et, d'ordinaire, leur double babil ne
tarit guère. Mais, ce jour-là, saisis tous deux d'un embarras
soudain, ils se taisent, ne sachant pas l'un plus que l'autre
comment rompre le silence ; l'idée ne leur vient pas
davantage de rejoindre le gros de la noce.
   Jean avait cueilli, aux rosiers grimpants dont la balus-
trade est garnie, une fleur qu'il tourne machinalement
entre ses doigts. De son côté, la jeune fille, pour apporter
un peu de diversion à la gêne résultant d'un silence pro-
longé, s'est mise à se ganter.