page suivante »
LE DERNIER DES VILLEROY E t SA FAMILLE 257 sur l'ennemi et se servit de son épée non comme un chef, mais comme un soudard. On le trouva brave entre les braves et on enfla sa vanité en le lui disant. Bouffi d'or- gueil, il se crut dès lors appelé à diriger des armées et, revenu à la Cour, il employa toute son habileté et son cré- dit à faire entrer sa persuasion dans l'esprit trop prévenu du roi. D'ailleurs, chacun de ses séjours à Versailles lui fut occa- sion de fêtes et de plaisirs, en même temps qu'ils lui valaient les plus brillants succès de boudoir. L'exemple de la corruption venait de haut et, comme son maître, il met- tait en action la morale de Boccace et de Lafontaine. Une de ses conquêtes les plus connues avait été la princesse de Soissons, surnommée la vieille Médée ; mais son cœur était trop léger pour se fixer nulle part, et chacune des dames de ce monde sans mœurs, put bien vite se vanter d'en avoir eu un lambeau. La duchesse de Roquelaure, la duchesse de Ventadour et tant d'autres ne furent que des comètes errantes qui traversèrent, plus ou moins rapidement, le ciel bleu de ses amours. Incomparable pour présider un carrousel, organiser une fête, aduler le roi, plaire aux femmes, amuser la Cour, se mettre avec magnificence et donner le ton aux jeunes sei- gneurs, Villeroy, las peut-être de ces lauriers faciles, vou- lut y joindre des palmes plus sérieuses. A cinquante ans, il reprit la nostalgie des batailles, partit encore une fois pour la Flandre, fut renvoyé comme encombrant; fit quelques jours d'exil à Lyon; rentra en faveur; se fit sévèrement admonester pour avoir papillonné autour de la Dauphine, retourna en Flandre, en 1693, e t parut en conquérant, au milieu d'une armée qui ne le connaissait pas ou ne le con- naissait plus.