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DOCUMENTS INEDITS SUR LYON EN 1 7 9 2 195 mant négligemment un demi-tour étoit noué sur la poi- trine. Coiffé d'un mauvais chapeau rond, je m'étois placé dans le groupe le plus mal couvert, à peu de distance de la à ègutu\aloire(\) tribune, lorsque Chalier placé dedans rît une motion virulente contre la mode des deux mouchoirs et proposa de lanterner les muscadins avec le mouchoir superflu qu'ils portoient ; les ouvriers en soye, qui m'en- vironnoient, applaudirent de toutes leurs forces. Je laissai passer leur première ardeur; ensuite, me donnant pour un bon canut, je dis dans leur langage qu'il n'y avoit que ces mouchoirs qui faisoient vivre ma femme et mes enfants et ma mère infirme; que l'on gagnoit à les fabriquer le double de ce que l'on recevoir pour les autres étoffes, et que j'étois persuadé que c'étoit un bon patriote qui leur avoit donné l'idée de les porter. Ma réflexion fut saisie et gagna de proche en proche une masse assez considérable. Mes réflexions se tournèrent alors sur les vues qu'avoit Chalier en faisant sa motion et je dis : « dorénavant je croirai ce que m'a dit un brave homme, ce Chalier veut nous faire mourir de faim, c'est un loup payé par nos ennemis. » Et après une pause pour donner le temps à mes réflexions d'aller plus loin : « Oui, coquin, prêche la désunion, gagne l'argent que tu reçois de Pitt et de Cobourg pour nous mettre à la misère, pour faire passer chez eux nos fabriques. » Chalier qui n'avoit cessé d'apostropher les muscadins, les aristocrates et les calotins, fut tout à coup apostrophé à son tour par un « à bas le coquin », répété par quatre ou cinq cents voix et appuyé du geste de huit à neuf cents bras. ' (1) Sic.