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              SOUVENANCES DE 1828 A 1848                 171

  Mme de Staël s'empressa de lui répondre que, c'était la
première fois qu'on lui disait qu'elle était jolie.

  Il y avait encore un autre salon souvent cité, non pas
comme celui de l'Abbaye-aux-Bois, à cause des hommes
importants qui le fréquentaient, mais pour la beauté des
femmes qui étaient admises; c'était une faveur très recher-
chée, parce qu'elle donnait un brevet.
  Mme Boscaris de Villeplaine occupait alors un splendidc
hôtel de la place Vendôme; Dugas-Montbel (le traducteur
d'Homère), fort lié avec cette famille, d'origine lyonnaise,
avait eu l'obligeance de m'y présenter.

   C'est là que, pour la première fois, j'ai vu Mme Thiers à
l'époque de son mariage; elle paraissait d'autant plus jolie
que son mari était fort laid.
   Ce n'était pas dans un salon qu'il fallait le voir, mais à
la Chambre qu'il fallait l'entendre.
   II n'avait aucune des qualités brillantes de Berryer ou de
Lamartine; mais avec un filet de voix, il obtenait toujours
un très grand silence, et l'on ne perdait pas une de ses
paroles; c'était heureux, car toutes avaient une très grande
valeur et jetaient un grand jour dans les discussions.

   Il serait trop long même de nommer simplement tous
les salons de Paris, que j'ai vus de 1831 à 185 1 ; mais ne
pas en citer quelques-uns, serait de l'ingratitude.

  La maison d'Augustin Jordan (le frère du célèbre
Camille), était presque la mienne.
  Je voyais chez lui, ou avec lui, toute la dynastie des
Périer, ses cousins germains; ils étaient huit frères :
  Casimir, président du Conseil des Ministres;