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66 LE PAYSAN A présent étendu dormant, sous cette terre, Ingrate si souvent et cependant si chèie, Sur laquelle il courba son dos roide et pesant Durant tant de moissons, tant d'hivers, à présent Il se repose enfin sous la chaude caresse De ce soleil qui fit fermenter sa jeunesse ; Et les esprits subtils qui composaient son corps Sous la chaîne des Lois, et que la mort délivre, Avec lenteur dissous et versés au dehors, Se cherchent pour revivre, et mourir, et revivre. Heureux, il s'est éteint sans le cruel effort De l'être épouvanté qui lutte avec la mort, Et se débat, hideux, dans l'ignoble agonie ! Paisible fut sa fin, paisible fut sa vie, Paisible est son sommeil. — Un soir tiède et serein, La noire Sœur le prit auprès d'un romarin, Eu un coin du verger tout rose, un jour que Flore Était plus odorante et Zéphir plus sonore. A ceux qui s'empressaient, voyant l'ange fatal Sur sa tête planer : « Mais je n'ai point de mal ! » Disait-il, et quand vint la seconde où fuit l'âme, Il répétait encor : « Non, je n'ai peint de mal ! » II avait mis son cœur en la Foi qui proclame L'Etre bon, créateur, qu'il nommait « le bon Dieu » ; Sous le regard duquel, à toute heure, en tout lieu, Il se savait ! Laissant la distraction vaine Du grossier cabaret, sur le lourd banc de chêne, Le dimanche, au sortir du culte, il reposait Son vieux corps au soleil, et lentement lisait