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                        POESIE.
Pour tuer l'ennemi que poursuit mon pied gauche,
D'orviétans divers je fais presque débauche.
Je crois l'avoir brûlé, mais bientôt je dis : Nix !
Il renaît de sa cendre aussi bien qu'un phénix.
Je le coupe avec rage ; à quoi me sert? le traître
Sous le fil du rasoir me semble reparaître.
Je le lime un matin, il revient dans le jour,
Tant la nature injuste a pour lui de l'amour.
Ce monstre a des rapports avec l'hydre de Lerne ;
Je lui tranche une tête, avec deux il me berne :
Amas de chair durcie, infernal petit mont,
Qui brave les onguents et l'outil de Ramonl ?
En vain mon cordonnier élargit ma chaussure ;
Pour ménager ce mal nulle botte n'est sûre ;
J'ai beau, pour le loger, me faire un pied de bœuf,
Je crains par dessus tout l'aspect d'un soulier neuf.
Si du moins le hasard, quand je suis dans la foule,
Ecartait de mon cor le manant qui le foule;
Si, de mon endroit faible il éloignait les gens,
Mon cœur en rendrait grâce aux destins indulgents.
Mais le moindre grimaud, dans sa lourde incartade,
Toujours pour me heurter choisit mon pied malade.
A l'église, au spectacle, il faut que mon voisin
Réveille mes tourments par son choc assassin !
Je ne sais où courir, je ne sais où me mettre.
Puis, de tout mon quartier je suis le baromètre.
Dès que le temps se couvre ou que vient le soleil,
Ma douleur en ressent un chagrinant réveil ;
Mon cor, rebelle aux lois de la température,
Du froid comme du chaud également murmure.
Il annonce l'orage, il promet un ciel pur.
Jaloux d'interroger un oracle aussi sûr,
D'un promeneur qui craint l'atmosphère perfide
La sage prévoyance auprès de moi le guide ;
Il m'aborde, inquiet, et d'un ton inhumain :
Eh bien , mon cher, dit-il, fera-t-il beau demain?