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462 ANNIBAL ET LE RHONE. par les habitants ; mais il est bien possible que Polybe lui- même ne le sût pas. Si, comme César, Annibal eût écrit sa marche et ses opé- rations militaires, nous aurions des renseignements certains, car il eût parlé du passage des rivières, de la forme de l'île, de la position des armées des deux frères, dont l'aîné occu_ pait sans doute la partie orientale, Morestel, les deux Bran- gues, l'île de Ciers (Aveniers) sur les bords du haut Rhône, tandis que le cadet occupait sans doute Vienne, Crémieux et toute la plaine jusqu'au pays des Voconces (les plaines de la Côte-SaitU-André); il nous aurait enfin donné une description plus détaillée des lieux ; mais à Polybe tous les moyens ont manqué ; il ne pouvait décrire que le point sur lequel il était, et sa vue n'embrassait pas comme celle d'une armée une vaste étendue; il n'avait ni des lieutenants pour lui faire des rapports statistiques et stratégiques, ni des ingénieurs! géographes pour lui faire des plans indiquant les positions des localités, le cours et les sinuosités des rivières. Ajoutons à cela la distance qui le séparait de ce passage au moment où il a écrit à son histoire. Le manque de bonne volonté de la part des Gaulois, ses cicérones, leur ignorance systématique et religieuse, leur apathie et leur indifférence pour toute science, et tout ce qui n'était pas pour eux un trait de eourage ou d'un intérêt tout matériel, et plus encore la différence de langage, la difficulté et le danger même de s'aventurer dans des pays inconnus, tels que des montagnes, des forêts vierges sans chemins et sans boussole, pouvaient bien le rendre excusable d'avoir commis les erreurs que nous pouvons relever aujourd'hui. Suivons-le donc lui-même dans nos contrées lointaines, qu'il a voulu visiter par dévoùment pour la postérité et pour ratifier le jugement de ses compatriotes qui faisaient de cette ascension sur les Alpes un fait si prodigieux, que les dieux