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378 ÉLOGE DE M. DE CHANTELAUZE. Toutefois, ce qui a peut-être étonné le plus ceux qui ont vu de près M. de Chantelauze , c'est le mélange de cette fi- délité que rien n'ébranle, et de cette impartialité que rien ne trouble. Il jugeait les hommes et les gouvernements les moins sympathiques a ses souvenirs, avec cette haute séré- nité qui devance l'histoire. On eût dit qu'il revenait aux ha- bitudes de son ancien sacerdoce judiciaire, et que tenant en main la balance de la justice, il s'apprêtait à conclure devant la postérité. Ainsi, rien n'altérait la paix de cette âme douce et ferme. Et pourtant ses jours s'écoulaient dans une médiocrité res- serrée par tant de sacrifices. La royauté a qui il les avait généreusement faits et no- blement dissimulés, eut voulu les adoucir par une indemnité digne d'elle. Cette pensée vint de l'exil, avec cette délica- tesse qui sait voiler jusqu'à l'offrande, avec cette royale courtoisie qui distingua toujours toutes les branches de notre antique maison de France. La royauté ne fut point écoutée. Ce fut la seule fois qu'il désobéit. Il voulut que son obéissance des jours de péril gardât la pureté de son caractère ; elle était de celles qui se dévouent toujours et ne se vendent jamais. Il ne voulut demander de consolations qu'à la royauté éternelle et suprême. Sa foi toujours respectueuse et sin- cère, s'était réchauffée encore par la méditation et l'épreuve. Il édifiait la cité par la puissante et modeste autorité de ses exemples, et je ne puis résister au désir d'en rappeler un que je tiens de la bouche même du vénérable pasteur de notre commune paroisse. L'enfance de M. de Chantelauze s'était écoulée dans un temps où la révolution emprisonnait le Pape, fermait nos temples et essayait d'accoutumer la France à se passer de religion.