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348 BIBLIOGRAPHIE. province, semble réservé aux brochures que Paris nous envoie sur des conflits politiques, et aux romans que ses journaux nous apportent en feuilleton. Cependant des personnes prudentes ont craint que les traits de M. de Gravillon contre les dévotes, ne fussent détournés par des lecteurs malveillants contre toutes les femmes pieuses. Telle fut, en 1664, l'impression de Louis XIV, après avoir vu jouer, à ses fêtes de Versailles, les trois premiers actes du Tartuffe. « Le roi ne doutait pas des bonnes intentions « de Molière, dit un contemporain qui fut spectateur ; mais, par « une extrême délicatesse pour les choses de la religion, il dé- « fendit de représenter au public cette comédie divertissante. « Il prévit la méprise que produirait trop de conformité et de « ressemblance entre ceux qu'une véritable dévotion met dans « le chemin du ciel, et ceux qu'une vaine xistentation de bonnes « œuvres n'empêche pas d'en commettre de mauvaises. » Molière avait donné à son Imposteur le nom de Tartuffe, qu'il avait tiré du mot italien truff'atore, et qui exprimait à merveille la bassesse d'un fripon. Cependant, il écrivait que ce personnage était un homme du monde, portant un .petit chapeau, un grand collet, une épée et des dentelles. Le roi sentait bien que Molière, au- teur et acteur, songeait plus à immoler la dévotion à la haine des spectateurs, qu'à honorer la religion en la vengeant de l'hy- pocrisie. Aussi il fut inflexible dans son interdiction pendant cinq années. Mais enfin il céda à la nécessité de laisser pros- pérer une troupe de comédiens qui lui était agréable, et dont son frère, le duc d'Orléans, lui présentait les placets. Il n'y a rien de commun entre l'esprit qui animait constam- ment Molière et la sensation passagère qui a mis la plume à ]a main de M. de Gravillon. Dans le temps où il se désolait d'être privé de jouer son Tartuffe, Molière s'en consolait en donnant un masque de dé- votion aux dernières scènes de la vie d'un grand seigneur sici- lien, qui s'était fait exécrer par son impiété et ses désordres. Toujours dominé par la même prévention, il représente la dévote Arsinoé couvrant la nudité des tableaux, battant ses gens et ne les payant point. Enfin, il signale dans une pièce postérieure en