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AU MOYEN-AGE. 23i chés à l'hôtel, qui les recevaient à titre de gages ou de livrée, et l'on comprend que les vêtements de la domesticité ducale devaient avoir une valeur bien plus grande que ceux de simples ouvrier ou villageois. Ces prix ne nous appren- draient donc rien : aussi nous n'ajouterons rien à ce que nous en avons dit à l'article des gages. Si, malgré la pénurie relative des renseignements, nous avons pu jeter quelque lumière sur la condition privée du peu- ple, notre tâche devient bien plus facile maintenant que nous avons à rechercher quelle était celle de la Duchesse Margue- rite de Flandre, et, par analogie, des grands seigneurs de son temps. Ici nous nous trouvons en présence d'une telle abondance de matériaux qu'il nous faut renoncer à les uti- liser tous. Toutefois, il ne faut pas oublier que ces innom- brables articles de dépense, il y en a plus de trente mille, répondent moins à des nécessités de luxe qu'aux besoins réglés de la vie intime, ou, qu'on me pardonne cette expres- sion, au train-train de l'existence journalière d'une princesse de haut rang. Tels qu'ils sont cependant, nos comptes offrent matière à plus d'un curieux rapprochement, et nous laissent soupçon- ner que, du seigneur et de son sujet, le plus à plaindre pour- rait bien n'avoir pas été celui qu'on pense. Le pauvre, en effet, trouvait dans la juste pondération des prix et des salai- res le moyen de subvenir aisément à ses besoins, tandis que • le riche voyait souvent ses finances écrasées par le luxe qu'exigeaient de lui les préjugés de caste. Et encore aujour. d'hui nous répugnerions à nous figurer un Duc et une Du- chesse de Bourgogne, ces grands Ducs d'Occident, lésinant sur les dépenses extérieures de leurs hôtels; pour eux le faste était une nécessité inexorable, et, sous peine de paraî- tre inférieurs, ils devaient surpasser en prodigalité tous les seigneurs de leur temps.