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                    DE LA DIGNITÉ DE L'ART.                    483

 les plus doux et les plus tendres, et que résument dans leur
 plus haute expression le Laocoon et la Niobé antique et sur-
 tout les oeuvres ravissantes des Fra-Angelico, des Léonard de
Vinci, des Pérugin et des Raphaël. Je dis surtout pour ces
 dernières parcequ'elles sont conçues avec un élément incon-
nu a l'antiquité, le sentiment chrétien !
    Non, l'art n'est pas tout entier dans l'imitation de la nature
 et celui qui veut parler de sa dignité doit commencer par une
protestation énergique contre cette définition. Non, il a une
fin plus noble que celle de récréer les yeux par l'habileté de
la main; si telle était son essence, si tel était son but, il cesse-
rait d'être, en ce monde, cette chose assez grande pour ali-
menter les hautes spéculations des Platon et des Aristote.
    Mais dans notre siècle où la science entre autres miracles
a trouvé le moyen de fixer, pour les conserver, les images*
qui se peignent sur une surface, si le concours de la pensée
est inutile pour produire une Å“uvre d'art, si l'imitation est
tout, l'instrument du photographe doit suffire à tout et la
gloire de Daguerre doit éclipser celle d'Apelle et de Titien,
l'art des Praxitèle et des Michel-Ange devient à son tour
inutile; quel serait le statuaire qui pourrait se flatter de
mieux rendre la nature que le moulage ! Et l'architecte,
cessera-t'on de l'appeler artiste lui qu'on appelait, au moyen-
âge, maître de l'œuvre et qui devrait toujours l'être. Lui
qui fixe la plaee et la grandeur aux statues des sculpteurs, qui
trace les cadres que rempliront plus tard les peintres, lui en
un mot qui distribue, à toutes les créations du ciseau et
du pinceau appelées à décorer son œuvre, l'espace et la lu-
mière ne serait pas un artiste parce qu'il n'a pas de modèle
dans la nature , qu'il n'a qu'à interpréter les lois immuables
qui larégissent, lois d'harmonie et d'unité ? le soutenir serait
impossible. Ah ! ne faisons pas descendre de son piédestal ce
beau génie que les anciens représentaient l'auréole au front