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JJTOBES LITTERAIRES CONTEMPOKAIKES. 1(>7
Mais ce n'es! pas seulement la forme que je me permets d'at-
taquer, c'est encore plus le fond, et d'autres l'ont déjà dit avant
moi. Comment M. Victor Hugo intilule-t—il 1& Légende des
siècles l'histoire de personnages inconnus, obscènes, ignobles
et détestés? N'y a-t-il rien de mieux à chanter que le sultan
Mourad faisant écorcher, pendre ou empaler tout le monde
autour de lui, et allant écarter ies mouches qui augmentent
la souffrance d'un porc agonisant? que l'empereur Ralberg,
fourbe et cruel? que Caïn le grand criminel ? que tous ces
types terribles et antipathiques qui semblent, dans l'esprit
de l'auteur, représenter l'humanité ? Ne pourrail-on pas
chanter Clovis, saint Louis, Jeanne d'Arc, les Croisades? et
le poète n'aurait-il de talent et de verve que pour les bas-
fonds ou les horreurs de notre société?
Voilà le grave reproche que me paraît devoir soulever la
Légende des siècles, plus grave que tous ceux qui peuvent
être faits à la forme, car quoi qu'on dise et qu'on fasse,
M. Victor Hugo est un grand poète et l'on oubliera toujours
ses bizarres hardiesses pour applaudir des passages marqués
au sceau du génie.
VIL —• L'Histoire de Sainl-fust est bien, si l'on veut la
biographie de cet élégant tribun qui savait être un petit
maître de salon, et aussi un des pourvoyeurs de la machine
révolutionnaire, mais c'est surtout l'apologie du sanglant ac-
teur de la Terreur. Il y a, h l'égard de l'histoire de notre
grande révolution, deux écoles principales : l'une qui reconnaît
la justesse des principes appelés principes de 1789, mais qui
déplore les excès qu'ils ont entraînés, je dirais môme qui ies
ont compromis, et parmi les partisans sérieux, respectables
de cette école; il y en a qui croient fermement que le roi
Louis XVi désirait sincèrement, ardemment consacrer ces
principes dont l'obtention enivra malheureusement une foule
irritée par les coupables aberrations des années précédentes