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 82                   LETTRES DE F. OZANAM.

 champions de l'école catholique nous ouvrent les trésors de leur
 conversation. D'autres y viennent aussi qui ont défendu de l'épée
 et arrosé de leur sang le domaine de leurs convictions, de jeunes
 officiers belges ou polonais, des diplomates distingués, puis des
 hommes d'une autre école qui viennent, comme des pèlerins d'un
 autre empire, contempler quelques instants l'esprit d'union et de
 douceur qui règne parmi leurs adversaires.
    Là sont venus tour à tour MM. Ballanche et Sainte-Beuve,
 Savigni jeune et de Beaufort, Ampère fils et Alfred de Vigny,
 de Mcrode et d'Ekstein. Dimanche dernier Lherminier y était ;
j'ai parlé même quelque peu avec lui; puis une causerie très-
intéressante s'est faite entre lui et M. de Montalemhert ; nous
sommes restés jusqu'à minuit pour les écouter. Victor Considérant,
l'un des plus habiles rédacteurs du Phalanstère et très-habile
économiste y était aussi; on a beaucoup parlé de la misère
intellectuelle du peuple et on en a tiré de sinistres présages
pour l'avenir.
   Du reste, on cause très-peu de politique et beaucoup de
science. Les jeunes gens y sont nombreux. M. de Montalembert
fait ses honneurs avec une grâce merveilleuse ; il raconte très-
bien et il sait nombre de choses.
              Une hirondelle en ses voyages
         Avait beaucoup appris ; quiconque a beaucoup vu
              Doit avoir beaucoup retenu.                             "

   C'est là son fait, et il serait bien malheureux, lui qui a couru
le monde de Rome à Berlin et de Stockholm à Dublin, d'être re-
venu les mains vides. Joins à cela la gracieuse intervention
d'un punch bien chaud et de fines pâtisseries, et tu m'avoueras
qu'on n'est pas si mal en pareille compagnie.
   Aussi, autant ma vie intérieure est lâche et paresseuse, autant
ma vie sociale est active et agréablement occupée. Deux confé-
rences de droit par semaine où je suis obligé de plaider, une con-
férence de littérature le samedi où il ne se passe pas de séance
sans que je parle ou que je lise ; le dimanche la réunion de
M. de Montalembert; deux ou trois fois aux soirées de M. Mont-