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508                          DE LA PRIERE.

libre! La grâce n'opérait point l'action, mais était le levier
divin avec lequel le libre arbitre pouvait opérer l'action. Elle
se donnait à la volonté comme la lumière à l'œil pour lui
procurer la vision.
   Que penser maintenant de celui qui n'a que l'orbite, et ii
qui il faut et l'œil pour regarder et la lumière pour voir !
N'esl-il pas effrayant de songer que l'homme ne possède guère
que l'orbite de sa volonté; (1) ou que, devenue si faible, elle
est aussi aisément la proie de la sensation que de l'inspiration,
ces deux influences de deux mondes étrangers ! Ainsi dérobé
par deux forces extérieures, n'étant plus le maître et le seul
maître de son vouloir, l'homme perd toute imputabilité, cette
propriété du mérite devant l'absolu ! Où il n'est plus de vo-
lonté, il n'est plus d'être moral....
   Il faut donc que l'homme obtienne comme première grâce
 sa bonne volonté. Mais comment obtenir la volonté sans vo-
lonté? Alors il ne restera plus psychologiquement à l'homme
que le désir pour se sauver! Mais le désir n'est point une
volonté, c'est une tendance impuissante à la volonté; et s'il
faut que le désir se transforme en une véritable volonté pour
avoir la puissance de donner un acte, tout acte n'étant que
le produit d'une volonté, quel peut être le produit de ce qui
n'est pas une volonté ; autrement, quel pouvoir reste—t—il au
 désir?
   Le pouvoir du désir, puisqu'il est le seul phénomène libre
qui reste en nous, sera donc le seul pouvoir qui soit à notre
disposition. Or, comme la prière est au désir ce que l'action
est à la volonté, la prière est donc ie seul débris de puissance


   (i) Il faut prendre celte image dans le sens que nous avons déjà expliqué :
Par la chute, l'homme n'a pas perdu la volonté, mais la bonne volonté ; il
n'a pas ontologiquement perdu la liberté, mais il est tombé dans la passivité,
c'est-à-dire dans l'esclavage des pallions.