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AGNÈS DK MÉRANIK. 309 ni ère fois , elle veut épuiser sou bonheur dans un entretien suprême. Philippe a vu sur les joues d'Agnès la trace des larmes qu'elle a versées. Par un mouve- ment très-dramatique , il la remercie avec amour du courage qu'elle meta partager son infortune : c'est la présence d'Agnès qui le console et le soutient dans ses malheurs. Chacune de ses paroles entre comme une flèche dans le cœur de la malheureuse reine. Elle va partir parce qu'elle l'aime , et elle doit, ô comble de misère! l'abandonner furtivement en laissant peser sur elle une accusation d'inconstance et de lâcheté. Elle accable le roi des plus tendres protestations de son amour , et le conjure de ne jamais douter du cœur de son épouse « quoi qu'il arrive. » Cependant, au milieu de cette scène dé- solée, l'espoir renaît comme par enchantement. Le roi a fait au pape de nou- velles propositions. C'est pour conclure la paix , sans doute , que le moine est revenu. Agnès se rattache avec énergie à cette dernière branche qui la soutient sur l'abîme ; elle a un moment de joie suprême et d'enthousiasme ; elle ressaisit déjà tout son bonheur , elle ne se souvient qu'avec terreur de ses lugubres projets , elle va tout avouer au r o i , quand apparaît le Légat romain , comme la statue du commandeur. Agnès a déjà lu son arrêt dans ses yeux , et quand elle s'en va , elle a vu s'évanouir sa dernière espérance. Enfin, elle reparaît, comme une ombre désolée , sur le seuil de ce palais , témoin de son bonheur détruit , jetant un adieu plein de larmes à son mari , à ses enfants , à tout ce qu'elle a aimé sur la terre. Mais elle n'a pas encore épuisé la coupe des douleurs. Une émeute a arrêté la Reine excommuniée aux portes du palais , le Roi l'a arrachée à la fureur p o p u l a i r e , et la ramène sur la scène anéantie et épouvantée. Elle se jette aux genoux de son sauveur pour le remercier. Mais le roi la repousse. Il lui reproche en termes amers la cruauté de son abandon , il la presse , il l'inter- roge. A chaque instant elle va trahir son secret ; mais l'énergie de sa vertu et de son dévouement la soutient encore , et Philippe s'abandonne à toute la rage de sa colère et de son désespoir. L'épreuve a dépassé les forces de la Reine ; elle éclate tout-à -coup par un sublime élan d ' a m o u r , qu'elle jette comme une magnifique réponse aux violentes accusations de son époux. Puis , le cœur déchargé de ce poids immense , forte désormais contre la destinée , elle veut partir encore. Mais le roi ne se laissera pas arracher ainsi son bonheur quand il vient de le ressaisir. En vain Agnès invoque le ciel , en vain elle menace de se retirer dans un cloître, rien n'arrêtera Philippe. 11 quittera son trône, si Agnès persiste à partir, et se fera sarrasin. Un incident arrache le roi à cette scène brûlante. La foule furieuse se précipite aux portes du palais ; le roi va la repousser. C'est le dernier coup ; Agnès se reproche déjà la mort duRoi , quand arrive le Légat. Philippe est hors de danger. Un seul