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208                       DE LA FOI.

   Ah ! méfiez-vous de l'esprit. L'esprit est l'élément du
doute ; et le doute vient de l'appauvrissement du cœur.
L'esprit, né du moi, a eu deux vastes productions : l'une au
dedans, qui est l'incrédulité, l'autre au dehors, qui est le
Monde. Ici, je ne parle encore que de la première.

    Beaucoup doutent méthodiquement de la Foi ; et certes,
ils sont sur un excellent terrain pour le faire, puisqu'elle nous
apporte précisément les vérités qui n'ont pu s'intercaler dans
l'instrument tout usuel de la logique humaine ! L'esprit ha-
bitué au petit cercle du temps, se persuade qu'il saisira pareil-
lement le reste. Formé le plus souvent à l'école de ses menus
intérêts, il pense tout embrasser avec le môme compas. Il
suffit que l'on raisonne pour que l'on croie se servir de la
raison.
   La raison vient marquer ce qui est supérieur a l'expérience
et à la réflexion. Elle distingue catégoriquement, en leur
prêtant ses axiomes, les idées finies et relatives, qui ne pour-
raient, sans eux, passer dans nos raisonnements, des idées
infinies et absolues, qui ne peuvent apparaître que dans la
conscience. La raison a produit d'un côté les mathématiques,
et de l'autre la poésie. 11 ne faudrait pas brouiller les deux
enfants !
   On a donné au syllogisme la confiance qu'on a reprise au
cœur humain. Ou oublie qu'il est plus facile dé déraisonner
avec des raisonnements qu'avec les sentiments eux-mêmes.
Le calcul, que l'on offre vulgairement comme un attribut de
la raison, étouffera les plus hautes puissances de la raison.
Le calcul n'est, au reste, que l'instinct de l'homme; il ne doit
pas dépasser les limites du corps et de la terrestre existence.
S'il prétend aussi conduire l'âme jusqu'au bout, où la mène-
ra-t-il ?
   Les hommes de génie ne raisonnent pas. Comment se