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       EXPOSITION DE I.A SOC1KTÉ DES AMIS DES ARTS              (il)

instants d'ennui. Pauvres gens qui ne savent pas que le
feuilletoniste n'est plus que le lion désarmé de la fable, qui
s'est limé à lui-même les griffes et les dents, et que, s'il rugit
quelquefois, il ne mord jamais ! Tout artiste peut se per-
mettre maintenant les choses les plus monstrueusement ridi-
cules, sans courir d'autres risques que d'être censuré douce-
ment, bénignemenl, si toutefois il ne se trouve pas quelques
journalistes complaisants qui, de la plus mauvaise prose ou
du plus mauvais tableau, feront l'Å“uvre la plus           sublime,
car il ne s'agit pas de lésiner sur les éloges. Voilà comment
la critique perd chaque jour sa couleur et sa vie. Que s'il vous
prend un jour la courageuse fantaisie de faire scrupuleuse-
ment la paît du mal et du bien, de rendre bonne et sévère
justice, alors une tempête de colères, de cris, de réclamations
furibondes s'élève contre le téméraire voué dès-lors à des
haines éternelles. Ainsi, pour tout critique, l'indépendance
consiste à s'extasier devant toutes les productions et tous les
producteurs quelconque, à leur décerner un brevet d'immor-
talité, à proclamer lour-à-tour le premier génie du monde
chacun des poètes, romanciers, peintres ou sculpteurs de
notre époque, et à ouvrir devant eux les portes du Panthéon
pour les y insérer tout vivants.
    Il est vrai que si la critique s'est laissé enlever ses droits,
la foule s'arroge, de la manière la plus bouffonne, celui de la
remplacer : nous voudrions bien savoir ce que l'art et les ar-
tistes gagnent à celte transmission de puissance!
    Nous nous sommes si souvent répété à nous-même que la
France est la patrie des arts, que nous vivons, sur celle con-
viction, avec une confiance et une fatuilé inimaginables. Il ne
faut pourtant pas un grand effort de perspicacité pour s'a-
percevoir que chez nous le sentiment artistique n'est pas un
 goût inné, un don naturel, une inspiration spontanée; c'est
 au contraire, une affaire d'éducation, de réflexion, d'analyse;
 c'est le résultat d'une contemplation intelligente, aidée d'é-
 tudes patientes, d'observations soutenues dont les progrès ne