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                              LA CÈNE.                              61
    Le jeune peintre lyonnais appelé à se mesurer à son tour
avec ce redoutable sujet, s'était déjà fait remarquer par des œuvres
attestant à la fois un profond sentiment religieux et une haute in-
telligence des véritables conditions de l'art; pour ceux qui con-
naissent ses premières peintures et qui cherchent dans une com-
position l'indice des théories et des croyances de l'auteur, il était
facile de présager que M. Janmot, aborderait le sujet de la Cène" par
son plus grand côté artistique et moral. Le sentiment religieux l'a
merveilleusement servi en le portant à se placer dans le moment
dogmatique et divin de la Cène, au lieu de traiter la donnée la
plus dramatique et la plus favorable aux effets pittoresques ; car
le moment le plus religieux du sujet est en même temps le plus
propre à fournir au peintre la composition la plus calme et la plus
idéale. En outre, comme il faut que de nos jours l'esprit moderne
se montre même à travers le ferme croyant, ce n'est pas l'instant,
liturgique de la consécration du pain et du vin que l'artiste a
choisi comme l'eût fait peut-être un maître de Byzance ou un des
premiers Florentins, il s'est attaché au moment où le dogme eu-
charistique est révélé aux Apôtres non pas sous sa forme maté-
rielle, mais dans sa substance morale ; ce qui augmentait la difficulté
en rendant l'action plus abstraite, mais lui donnait aussi un carac-
tère plus idéal, une beauté plus simple et plus divine. Le Christ
tenant dans ses mains les espèces sensibles du pain et du vin et
les Apôtres contemplant ce signe matériel, eussent été réunis par
le lien d'une action plus facile à exprimer. Dans la composition de
M. Janmot, le Sauveur placé devant une table vide prononce la
formule du dogme d'amour, il a fait auparavant à ses frères le don
de sa substance charnelle, maintenant il leur distribue son esprit
 lui-même pour que chacun se l'assimile suivant ses forces. Cette
action toute intellectuelle rentre beaucoup mieux dans le sentiment
 moderne, en même temps q.u'elle est plus religieuse et, plus fa-
 vorable au véritable idéal de l'art. Le tableau comporte en effet
 dans cette donnée la plus grande concentration de sentiment, la
 plus grande sobriété de mouvement, le plus grand calme ; c'est-à-
 dire les conditions essentielles du beau.
   De notre temps où la peinture religieuse est en général traitée