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02 LA CÈNE. si peu religieusement on a rarement à louer chez un artiste un pareil mérite dans la pensée. L'œuvre de M. Janmot est donc, sous le rapport de la conception, une œuvre véritablement magistrale. Les difficultés d'exécution s'augmentaient en raison même de la grandeur des idées qui avaient placé le sujet dans cette région se- reine et immobile où les figures se dépouillent de tout ce qui prête aux effets violents. L'artiste abordait une autre difficulté non moin- dre, celle de la peinture à fresque, dont le secret semble avoir été gardé par les maîtres italiens. Dans le nombre assez grand des pein- tures murales exécutées à Paris depuis le commencement de ce siè- cle, deux ou trois fresques seulement ont été essayées, elles ont assez médiocrement réussi pour décourager les artistes d'employer ce procédé qui est pourtant par excellence le procédé monumental. Le jeune peintre lyonnais a lout-à -fait retrouvé la véritable fres- que avec la chaleur, la finesse et la solidité de ses tons, si diffé rents des tons crus et froids de nos fresques modernes ; son coloris est d'un charme saisissant. Avant môme d'avoir considéré cette peinture tout le temps nécessaire pour arriver à l'émotion plus in- time, qui naît de la beauté de la composition et du dessin ; et sans démêler encore ni l'attitude ni l'expression des figures,, l'œil est agréablement frappé de ces teintes lumineuses, qui s'har- monisent sur un fond d'ambre ou d'or. Combien cette couleur est loin de ce ton gris et cendré que l'on a reproché non sans quelque raisons aux peintures de l'Ecole ingriste. Le ton général est tout-à - fait pris à l'Italie et rappelle les teintes ardentes que son soleil donne aux marbres antiques ; quant à l'harmonie et à cette beauté du pinceau particulière à la fresque, il n'y a rien en France qui se rapproche autant de la fresque des maîtres. Lorsque l'esprit a dépassé cette première impression produite par la couleur qui n'est que la préparation à un effet plus sérieux, l'ensemble des lignes et des figures vous apparaît sous un aspect religieux qui va droit au cœur. Quelque chose émane de cette pein- ture qui vous touche et vous pénétre ; ce je ne sais quoi qui échappe à la critique technique et qu'elle nie trop souvent faute de pouvoir le nommer, ce quelque chose enfin de supérieur à toutes les beau- tés de formes et qui constitue l'essence de l'art comme de la poésie.