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32 EXCURSION DANS LE MIDI. leurs propres intérêts; ils agissaient en vue de leur indépen- dance. En s'affranchissanl tout à fait de la souveraineté des rois de France, ils pensaient à ériger de nouveau leur ville en république. Cette république existait déjà de fait, elle pouvait exister de droit. Marseille avait alors pour consuls Casaulx et Louis d'Aix ; c'était un duumvirat hautement reconnu, mais dont le pouvoir tout puissant pesait durement sur une partie des plus notables habitants devenus suspects par leurs opinions royalistes. Pierre Libertat, Corse d'origine (1), homme ambitieux et cupide, avait été mis par le duc de Guise dans les intérêts du roi. Li- bertat était capitaine de la Porte-Royale, il pouvait tuer Ca- saulx entre deux guichets lorsqu'il passerait, selon son usage, pour faire sa ronde de nuit hors de la ville. Le jour fixé pour l'exécution de ce projet, le 17 février 1596, Casaulx, fatigué, étant resté dans la ville, Libertat lui fait dire de venir, parce que les ennemis paraissent; il se tient caché près de la porte, et quand le consul, plein de confiance en son capitaine, se pré- sente, celui-ci lui plonge son épée dans la poitrine. Le frère du Corse, Antoine Libertat, qui était de moitié dans ce lâche guet-à -gens, l'acheva par terre à coup de masse d'arme. Une des portes de la ville fut ainsi livrée au duc de Guise, et ses troupes s'emparèrent de Marseille au nom du roi. Libertat toucha exactement le prix qu'il avait mis à sa trahison; il reçut 50,000 écus, il fut investi de la charge de viguier et nommé commandant du fort deNolre-Dame-dela- Garde. "Voilà l'homme, voilà le héros à la mémoire duquel la ville de Marseille a élevé une statue comme à un libérateur. On lisait autrefois au dessus de la Porte-Royale, qui était si- (1) Né à Marseille, en 1550, Pierre Libertat descendait d'une famille corse. On rapporte qu'un de ses ancêtres, Jean de Prayon, fut surnommé Libertat, après la délivrance de Calvi, et à la suite de plusieurs traits de valeur en Sicile et en Calabre.