Revue du Lyonnais » série 1 - n°25 ( 1847 ) » pp.033

                    EXCURSION DANS LE MIDI.                    33
tuée à l'angle de la Canebière et du Cours, le distique sui-
vant:
        Occisus juste Libéria; Casalusarmis
        Laus Chrislo, urbiregi, Libertat sic datur urbi.
   N'eu déplaiseau distique latin elà la statuaire, mais il me sem-
ble qu'aux yeux de la morale et de la raison, la victime aurait
eu plus de droits à ces honneurs que le meurtrier. Ce n'est pas
que l'administration de Casaulx fui exempte de reproches.
Souvent le consul exerça le pouvoir d'une manière tyrannique,
mais il faut lui tenir compte des embarras qui lui étaient sus-
cités de tous côtés. Il avait à lutter contre des factions puissan-
tes. S'il se mil sous la protection du roi d'Espagne, c'était pour
assurer le triomphe de sa politique et des vieilles idées m a r -
seillaises en faveur de la république, el non pas pour livrer la
ville aux Espagnols, comme l'ont écrit plusieurs historiens du
temps, gagnés au parti du roi de France.
    On pourrait s'étonner encore que la statue de Libertat ait
 traversé les orages de !a Révolution sur son piédestal, alors
 que les républicains marseillais renversaient sur leur passage
 tout ce qui leur paraissait suspect d'alliance avec la royauté.
 Mais les républicains de 92 n'étaient pas tous très forts sur
 l'histoire de leur pays. Ils s'imaginèrent qu'un ciloyen qui por-
 tait le nom de Libertat devait nécessairement être l'ami de la
 liberté el l'ennemi des rois ; c'est pourquoi ils saluèrent du
 chant d e l à Marseillaise et jonchèrent de cocardes tricolores
 la statue de l'homme qui avait vendu au roi de France Marseille
 et ses libertés municipales. Les équivoques ont souvent joué
 un grand rôle dans la vie politique des peuples, et l'on ferait,
 je m'imagine, un bien beau livre sous ce titre : De l'Equivoque
 en matière de Révolutions. Il ne faudrait pas oublier la Révolu-
 tion de juillet.
     Les Marseillais disent que la longue et lourde épée que tient
  dans sa main la statue de Libertat, est la même dont le capi-
  taine s'est servi contre Casaulx.
     Comme idée artistique, c'est une chose assez drôle que
                                                         S