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sans peine de mademoiselle Cinisque, qui reçoit, au dire
de Théocrite, deux soufflets de la part d'Eschine lequel
l'aimait à la folie.
   Vous vous rappellerez cette profonde pensée d'Aristo-
phane, qui dit : aimer et battre ne sont qu'une même
chose (1).
   Vous n'aurez pas oublié un passage très remarquable
des œuvres de Lucien, où l'on voit que Gorgias tendrement
épris de Chrysis,, sa belle maîtresse, mêle à ses doux tête-
à-têtes, un coup de pied par-ci par-là, ou pour le moins
une bourrade (2). Il est vrai que la jeune personne qui
ne savait pas ce qui lui était avantageux, se plaint de ce
traitement à son amie Ampélis. Voici ce que cette der-
nière lui répond: « O ma cbère Chrysis, les assiduités,
« les sermens, les larmes, les baisers ne sont que les symp-
« tomes d'un amour naissant; mais battre ce qu'on aime,
« lui donner des soufflets, lui arracher les cheveux ou dé-
« attirer sa robe, voilà les preuves du grand amour ! qui-
« conque n'est ni jaloux, ni colère, ne mérite pas le
« titre d'amant. Puisque le tien t'a donné des soufflets, il
« est jaloux, il t'aime. Tu n^as rien à désirer, ô Chrysis,
a sinon qu'il te continue le même traitement. »
   Ovide, comme vous savez, législateur et maître en l'art
d'aimer et de plaire^ Ovide était d'avis que Fon battît
et il battait lui-même, comme il le confesse au livre de ses
amours (3). Cet excellent poète ne se borne point à ap-
prendre à la postérité qu'il battait ses maîtresses, il nous a
laissé encore la manière de les battre. C'est une attention
très délicate.

  (1) Les Nuées, acte S, scène IV.
  (2) Lucia. Dial. Merelr. Cocbl. et Parth.
  (5) Ovide, lib. 1, el. 7.