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510 sans peine de mademoiselle Cinisque, qui reçoit, au dire de Théocrite, deux soufflets de la part d'Eschine lequel l'aimait à la folie. Vous vous rappellerez cette profonde pensée d'Aristo- phane, qui dit : aimer et battre ne sont qu'une même chose (1). Vous n'aurez pas oublié un passage très remarquable des œuvres de Lucien, où l'on voit que Gorgias tendrement épris de Chrysis,, sa belle maîtresse, mêle à ses doux tête- à -têtes, un coup de pied par-ci par-là , ou pour le moins une bourrade (2). Il est vrai que la jeune personne qui ne savait pas ce qui lui était avantageux, se plaint de ce traitement à son amie Ampélis. Voici ce que cette der- nière lui répond: « O ma cbère Chrysis, les assiduités, « les sermens, les larmes, les baisers ne sont que les symp- « tomes d'un amour naissant; mais battre ce qu'on aime, « lui donner des soufflets, lui arracher les cheveux ou dé- « attirer sa robe, voilà les preuves du grand amour ! qui- « conque n'est ni jaloux, ni colère, ne mérite pas le « titre d'amant. Puisque le tien t'a donné des soufflets, il « est jaloux, il t'aime. Tu n^as rien à désirer, ô Chrysis, a sinon qu'il te continue le même traitement. » Ovide, comme vous savez, législateur et maître en l'art d'aimer et de plaire^ Ovide était d'avis que Fon battît et il battait lui-même, comme il le confesse au livre de ses amours (3). Cet excellent poète ne se borne point à ap- prendre à la postérité qu'il battait ses maîtresses, il nous a laissé encore la manière de les battre. C'est une attention très délicate. (1) Les Nuées, acte S, scène IV. (2) Lucia. Dial. Merelr. Cocbl. et Parth. (5) Ovide, lib. 1, el. 7.