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224 plicité sans bornes et la vérité sans choix font tomber iné- vitablement dans l'ignoble et le commun. Peignez les passions, si vous voulez, des couleurs les plus vives et les plus saisissantes, en évitant toutefois de faire aux sens de coupables provocations, de grossières surprises. Pour que notre drame se puisse rendre digne d'une faveur que chacun lui tient en réserve, il importe qu'il apprécie mieux sa vraie mission, et qu'il s'efforce de plus en plus d'améliorer la voie où il n'a fait encore qu'une trouée fort imparfaite. La statue est seulement ébauchée, il reste à la ciseler et à la polir. Tant que le drame mo- derne a eu à lutter, à faire sa brèche, à battre et à vaincre le camp ennemi , on comprend qu'il ait donné dans quelques exagérations inévitables au sein d'une mêlée pleine de confusion ; on lui pardonne de s'être livré à quelques violences et à quelques caprices peu légitimes dans la chaleur du premier entraînement. Il a dû néces- sairement y avoir dans les débuts impatients du drame romantique bien du parti pris, bien de l'exclusion systé- matique et de réaction débordée. Naturellement aussi celte période effervescente a duré aussi longtemps que le drame romantique s'est trouvé persécuté ou seulement assailli de clameurs dans son triomphe. Mais enfin le drame ayant eu tout loisir et toute trêve pour asseoir son empire, le moment est venu pour lui de se faire des ré- solutions graves f de méditer, d'étudier, de comparer, de choisir, de chercher une issue heureuse à ses décisions et à ses embarras. Et d'abord, le premier soin du drame, au lieu d'abolir comme il l'a voulu faire tout notre passé dramatique , doit être au contraire de s'y appuyer; au lieu de dédaigner stérilement la forme qu'il remplace, il doit songer à l'analyser chaque jour pour en extraire ce qui